Hématologie:BETA THALASSEMIE : Anémie méditerranéenne : Leptocytose héréditaire

BETA THALASSEMIE : Anémie méditerranéenne : Leptocytose héréditaire 

Définition: Les thalassémies sont un groupe de maladies congénitales caractérisées par une anomalie de synthèse des chaînes de globines, composantes de l’hémoglobine. L’hémoglobine normale est composée à 97% d’hémoglobine A (2 chaînes alpha et 2 chaînes ß), à 2-3% d’hémoglobine A2 (2 chaînes alpha et 2 chaînes () et à moins de 1% d’hémoglobine fœtale (HbF: 2 chaînes alpha et 2 chaînes (). Les thalassémies sont les maladies génétiques les plus fréquentes, de répartition mondiale. La fréquence des thalassémies est maximale au niveau de la région méditerranéenne, du Moyen-Orient, du Sud-Est asiatique et des populations migrantes et ethnies originaires de ces régions. Il existe plus de 500 hémoglobines anormales connues; les principales thalassémies sont les alpha-thalassémies dues à un déficit de synthèse de la chaîne alpha et les ß-thalassémies dues à un déficit de la chaîne ß. La plupart des hémoglobines anormales n’ont pas d’expression clinique; certaines sont responsables d’une hémolyse chez l’hétérozygote ou de l’aggravation d’une autre hémoglobinopathie associée.

Système hématopoïétique Transmission autosomique récessive Les symptômes apparaissent généralement à l’âge de 3 à 5 ans touche les deux sexes de façon  égale Homme = femme

Étiologie: La plupart des hémoglobinopathies sont liées à la substitution d’une base d’ADN pour une autre, généralement responsable de la substitution d’un acide aminé. 

  1. ß-thalassémie majeure ( chromosome 11 ): absence de synthèse des chaînes de la globine ß, excès de chaînes alpha libres, instables, qui précipitent. Les hématies survivantes contiennent essentiellement de l’hémoglobine fœtale. 
  2. alpha-thalassémie: les gènes codant pour les chaînes alpha sont au nombre de 4, sur le chromosome 16. Les aspects cliniques et biologiques dépendent du nombre de gènes absents.

Signes cliniques: La variabilité des anomalies biochimiques est responsable de la variabilité des expressions cliniques. 

  1. Bêta-thalassémie majeure (homozygote) = anémie de Cooley. L’anémie spontanée est généralement < 6 g/dl. Elle est responsable d’une érythropoïèse inefficace et d’une prolifération médullaire compensatrice. Cette dérive du métabolisme s’ajoute à celles de l’anémie pour expliquer la symptomatologie. – Anémie et hypochromie survenant généralement dès l’âge de 3 mois – Retard de croissance, puberté retardée souvent incomplète – Expansion des cavités médullaires des os: corticales minces, fractures faciles, crâne en  » tour  » (bosses frontales et occipitales, aspect radiologique en poil de brosse), dysarticulé dentaire – Splénomégalie, hypersplénisme – Hépatomégalie, lithiase vésiculaire pigmentaire – Cardiopathie par hémosidérose: troubles de conduction, troubles du rythme, péricardite isolée stérile – Endocrinopathies diverses: surtout diabète par hémochromatose, hypogonadismes ou hypoparathyroïdies 
  2. Bêta-thalassémies intermédiaires: anémie spontanée entre 6 et 9 g/dl; sujets homozygotes ayant une expression résiduelle plus importante des chaînes ß – Retentissement plus modéré sur l’état général – Splénomégalie – Hémochromatose secondaire – Ulcères de jambe 
  3. Bêta-thalassémies mineures ( formes hétérozygotes ): fréquence très diminuée des complications qui peuvent cependant survenir 
  4. Bêta-thalassémie silencieuse: formes hétérozygotes sans expression clinique 
  5. alpha-thalassémie – Absence d’un des 4 gènes: aucune manifestation – Absence de 2 des 4 gènes: thalassémie mineure · très fréquentes dans les populations subsahariennes et méditerranéennes · peu ou pas d’anémie – Absence de 3 des 4 gènes: hémoglobinose H · surtout sujets asiatiques ou méditerranéens · splénomégalie, hémolyse d’importance variable, syndrome anémique – Absence des 4 gènes: · anasarque fœtoplacentaire de Bart · décès précoce

Diagnostic différentiel: 

  1. Carences en fer 
  2. Autres anémies hémolytiques
  3. Autres hémoglobinopathies 
    1. Hémoglobines instables. Très rare: hémolyse variable, hépatomégalie, splénomégalie, corps de Heinz 
    2. Hémoglobines à affinité diminuée: anémie, cyanose 
    3. Hémoglobine à affinité augmentée: polyglobulie – Hémoglobinose E: patients originaires du sud-est asiatique surtout; pseudopolyglobulie microcytaire, HbE à l’électrophorèse 
    4. Hémoglobinose C: patients originaires du Ghana ou antillais, anémie hémolytique, splénomégalie 

Examens complementaires : 

  • ß-thalassémie majeure – Anémie microcytaire hypochrome – Importante poïkylocytose: dacryocystes, schizocytes, cellules cibles, quelques hématies de grande taille très hypochromes (leptocytes) – Réticulocytose inférieure à ce que voudrait l’anémie – Nombreux érythroblastes immatures circulants – Hyperleucocytose, normoplaquettose – Haptoglobine effondrée, bilirubine libre modérément augmentée – Fer sérique et saturation de la transferrine élevés 
  • Anasarque fœtoplacentaire de Bart – Anémie à 6 g/dl, VGM entre 110 et 120 fl – Importante anisopoïkilocytose avec hypochromie 
  • Hémoglobinose H – Hb entre 7 et 9 g/dl – Importante microcytose et hypochromie 
  • alpha-thalassémie mineure – Peu ou pas d’anémie – Microcytose modérée (70 fl)

NB : Il existe quelques cas d’alpha-thalassémies acquises (hémopathies de la lignée rouge).

Anatomie pathologique : ß-thalassémies majeures à la ponction de moelle osseuse: érythroblastose extrême, macrophages surchargés en fer , foie: érythropoïèse extra-médullaire, hémosidérose puis fibrose progressive pouvant évoluer vers la cirrhose

Electrophorèse de l’hémoglobine 

  • ß-thalassémie majeure: HbF de 60 à 98% selon la synthèse résiduelle de chaîne ß 
  • Anasarque fœtoplacentaire de Bart: 80% d’Hb Bart (4 chaînes (), 10% d’HbH (4 chaînes ß) 
  • Hémoglobinose H: fraction d’hémoglobine H (4 chaînes ß) entre 10 et 30% 
  • alpha-thalassémie mineure: HbA2 normale ou basse

Imagerie: Radiographie osseuse (ß-thalassémies majeures): réduction de l’épaisseur des corticales osseuses ,  Lithiase biliaire très fréquente, à dépister (échographie)

Traitement : Mesures générales  hospitalisation ( hôpital de jour ) est particulièrement adapté pour les transfusions répétées.

  • ß-thalassémies: transfusions érythrocytaires phénotypées selon un régime d’hypertransfusion – Pour maintenir un taux d’hémoglobine à 11,5 g/dl – Elles ne sont généralement nécessaires que dans les formes majeures. 
  • Splénectomie en cas d’hypersplénisme interférant d’une façon majeure avec la rentabilité transfusionnelle 
  • Corriger d’autres carences volontiers associées: folates, zinc, vitamine C, vitamine E 
  • Vaccination précoce contre l’hépatite B anti-pneumococcique (si splénectomie) 
  • Prévention de l’hémochromatose transfusionnelle 
  •  Traitement rapide des infections intercurrentes
  • Régime: Eviter les régimes riches en fer 

Les adjuvants : Déféroxamine pour chélater le fer en cas d’hémochromatose , antibiothérapie des infections , Supplémentation en folates, en vitamines, en zinc 

Surveillance: ß-thalassémies majeures – Surveillance très régulière de l’hémoglobine qui ne doit pas descendre en dessous de 9,5 g/dl – Surveillance de la courbe de croissance – Dépistage de l’hypersplénisme – Dépistage de l’hémochromatose transfusionnelle

Mesures préventives :

  • Dépistage systématique des formes hétérozygotes
  • Conseil génétique
  • Un diagnostic prénatal est possible.

Complications:

  • Complications des transfusions répétées – Hémochromatose – Maladies virales (hépatites, SIDA, HTLV-1) – Allo-immunisations anti-leucoplaquettaires
  • Lithiase pigmentaire
  • Infections
  • Ulcères de jambe
  • Trouble du développement
  • Complications infectieuses de la splénectomie, à prévenir par une vaccination anti-pneumococique et une antibiothérapie préventive systématique et curative au moindre doute sur une infection systémique
  • Thrombocytose post-splénectomie, risque de thromboses veineuses, de cœur post-embolique
  • Épisodes d’érythroblastopénies liés au parvovirus B19
  • Grossesse: risque de toxémie lors de l’anasarque de Bart

Évolution et pronostic varie selon le degré de l’atteinte ß-thalassémies majeures: survie spontanée à 5 ans; sous traitement, les patients dépassent rarement l’âge de 25 ans. L’espérance de vie est normale dans les thalassémies mineures.

Hb: hémoglobine VGM: volume globulaire moyen

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