NEUROPATHIES DOULOUREUSES GÉNÉTIQUES

Conduite à tenir devant une douleur neuropathique
Conduite à tenir devant une douleur neuropathique

1- Neuropathies sensitives héréditaires :
La forme typique, maladie de Thévenard ou hereditary sensory and autonomic neuropathy de type I est de transmission autosomique dominante liée au chromosome 9 (9q22-1-922-3) et caractérisée surtout par des maux perforants plantaires indolores accompagnés d’une hypoesthésie thermodouloureuse distale avec aréflexie achilléenne.
Cependant, des douleurs de deux types sont fréquentes : d’une part des douleurs des pieds à type de brûlure ou de douleurs violentes, augmentées par l’exercice et la chaleur, diminuant la nuit, d’autre part mais plus rarement des douleurs lancinantes évoluant par salves sur les membres inférieurs et même la ceinture scapulaire.
Rarement, les douleurs, à type de douleurs fulgurantes pseudotabétiques, sont associées à une surdité.
On signale également des sensations de brûlures plantaires révélatrices d’une neuropathie sensitive héréditaire infraclinique ou encore des douleurs fulgurantes associées à un syndrome des jambes sans repos.
2- Maladie de Fabry :
D’hérédité récessive liée à l’X (Xq21-Xq22), elle survient dans le sexe masculin dans l’enfance ou l’adolescence.
La symptomatologie est faite d’accès de brûlure et de piqûres des extrémités siégeant sur les pieds et les mains, surtout sur les doigts et les orteils, avec paresthésies palmaires et plantaires. Les douleurs, importantes à préciser, sont de deux types.
Le premier type est fait d’accès de brûlures intenses des extrémités, parfois diffusantes.
Les crises sont tantôt spontanées, tantôt déclenchées par l’exercice, la fatigue, les modifications thermiques.
Elles augmentent en fréquence avec l’âge.
Le second type correspond à des impressions de douleurs sourdes et de brûlures distales persistant entre les accès.
Curieusement, aucune hypoesthésie n’est présente.
Les vitesses de conduction sensitive sont normales.
Des télangiectasies sont présentes, à la fois cutanées (tronc et cuisses) et conjonctivales, ainsi que des opacités cornéennes.
Des troubles vasculaires rénaux, cérébraux et myocardiques sont associés.
La maladie est secondaire à l’accumulation de céramide-dihexoside, elle-même due à un déficit en alphagalactosidase.
Le diagnostic en est possible lorsque l’on prouve l’absence d’enzymes dans une biopsie de l’intestin grêle.
La biopsie nerveuse montre des lésions sensitives et autonomes avec diminution des fibres myéliniques de petit calibre et des fibres amyéliniques ainsi qu’un dépôt de céramide dans le périnèvre.
La structure de la céramide est de type lamellaire.
La mort se produit entre 40 et 50 ans.
3- Porphyrie :
La porphyrie s’accompagne parfois de neuropathie douloureuse.
Il est habituel que ces neuropathies soient déclenchées par la prise de médicaments.
C’est essentiellement au cours de la porphyrie aiguë intermittente, de transmission autosomique dominante, que surviennent ces neuropathies.
Parfois on les signale au cours de la porphyrie mixte, dite porphyrie variegata, rare en France.
L’anomalie biochimique de la porphyrie aiguë intermittente est un déficit relatif en uroporphobilinogène I synthétase qui transforme le porphobilinogène en uroporphyrine I qui sert à la synthèse de l’hème.
Ceci entraîne une diminution de synthèse de l’hème et un excès d’acide delta-aminolévulinique.
La transmission est de type autosomique dominant liée au chromosome 11 (11q23-2qter).
Le début se fait chez l’adulte, surtout par des troubles moteurs plutôt que sensitifs, parfois précédés par des douleurs des membres ou par des douleurs de la région dorsolombaire.
La première atteinte porte plus souvent sur les membres supérieurs.
En quelques jours, le déficit s’étend au tronc et aux membres inférieurs.
L’atteinte proximale initiale siégeant sur les bras est plus fréquente que l’atteinte distale.
Toutefois, il n’est pas rare que le début se fasse par les mains et par les muscles extenseurs des poignets.
La topographie est variable, tantôt symétrique, tantôt asymétrique.
Dans d’autres cas, le début est sensitif et se fait par des paresthésies de topographie distale ou proximale.
Parfois, enfin, des troubles sphinctériens ou un tremblement marquent la phase initiale.
L’évolution de ces signes se fait de façon variable en quelques semaines ou quelques mois chez un adulte de sexe féminin et principalement dans les pays scandinaves.
Le tableau est celui d’une mononeuropathie multiple, surtout motrice et amyotrophiante, habituellement régressive, sauf dans les cas entraînant des complications cardiorespiratoires.
Les troubles moteurs vont d’une simple parésie à une paralysie complète.
Leur topographie est capricieuse, parfois parcellaire.
Elle est habituellement disséminée mais atteint souvent avec prédilection les membres supérieurs.
Le tableau est celui d’une paralysie radiale plus ou moins complète avec main tombante bilatérale, entraînant souvent une attitude de main « qui fait les cornes » due à l’atteinte parcellaire des muscles extenseurs comme cela s’observe au cours de l’intoxication par le plomb.
Parfois, l’atteinte est asymétrique, réalisant une monoplégie ou, lorsqu’elle s’étend aux membres inférieurs, une sorte de disposition hémiplégique ou encore quadriplégique avec une prédilection particulière pour les muscles de loges antéroexternes des jambes.
La paralysie est flasque.
Les réflexes ostéotendineux sont abolis.
L’amyotrophie est importante et précoce.
Les troubles sensitifs sont subjectifs et objectifs.
Les premiers comportent des paresthésies, des impressions d’engourdissement, parfois des douleurs musculaires violentes et intolérables.
Les troubles sensitifs objectifs sont variables.
La répartition des troubles sensitifs se fait, soit selon une topographie distale, soit sur des sortes de bandes siégeant sur les membres supérieurs, soit encore sur le tronc.
Dans ces cas, la disposition est en « costume de bain ». Parfois des troubles sensitifs distribués en « gant » ou en « chaussette » s’étendent ultérieurement vers la racine des membres et vers le tronc.
Cette hypoesthésie du tronc est assez évocatrice de porphyrie.
Une atteinte du système autonome est fréquente, faite de douleurs abdominales, de troubles sphinctériens avec rétention d’urine, de constipation, d’une tachycardie importante à 100-160 battements par minute et d’une hypertension artérielle.
L’électromyogramme montre la présence de fibrillations et d’aspects de dénervation.
Les vitesses de conduction nerveuse sont souvent normales, parfois diminuées.
La biopsie nerveuse, rarement pratiquée, montrerait des lésions de démyélinisation paranodale d’origine probablement axonale.
Le diagnostic se fait par l’association des troubles habituels à la porphyrie, c’est-à-dire un syndrome abdominal (provoqué également par l’absorption de certains médicaments, en particulier des barbituriques) fait de douleurs abdominales, de vomissements et de complications en imposant souvent pour une affection chirurgicale.
Des crises convulsives sont souvent associées et surtout un syndrome psychique d’intensité plus ou moins importante fait de troubles délirants, d’hallucinations ou d’accès de type hystérique.
Les urines deviennent foncées à la lumière.
Elles contiennent du porphobilinogène transformé en uroporphyrine III et un précurseur, l’acide aminolévulinique.
4- Neuropathie amyloïde héréditaire :
La forme habituelle est liée à une anomalie de la transthyrétine dont le gène muté est sur le bras long du chromosome 18 (18q11-2-q21).
La forme portugaise type Andrade est la plus fréquente.
Elle débute aux membres inférieurs au cours de la deuxième ou troisième décennie, quelquefois plus tardivement, plus souvent chez l’homme, par des paresthésies douloureuses.
S’installe par la suite progressivement un tableau de neuropathie à petites fibres, débutant aux membres inférieurs, associant un déficit sensitif prédominant sur les sensibilités thermique et douloureuse et secondairement des maux perforants plantaires avec arthropathies nerveuses, ainsi que des manifestations dysautonomiques, notamment digestives (diarrhée) et génitosphinctériennes.
La biopsie nerveuse montre les dépôts amyloïdes colorés par le rouge Congo et biréfringents en lumière polarisée.
Le déficit moteur et l’amyotrophie apparaissent dans un second temps avec steppage puis déficit quadridistal.
L’aggravation est rapidement progressive et le sujet est généralement grabataire en moins de 5 ans, d’une part à cause du déficit moteur mais aussi à cause de l’intensité de la dysautonomie, en particulier de l’hypotension orthostatique.

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