Cours d’Ophtalmologie  

Dystrophies héréditaires de la macula
Dystrophies héréditaires de la macula

Dystrophie progressive des cônes

La dystrophie progressive des cônes a été rapportée pour la première fois en 1870 par Knapp chez une patiente de 35 ans atteinte de photophobie, baisse de la vision centrale, dyschromatopsie, sans héméralopie.

Il décrivait à juste titre cette maladie comme « an unusual form of retinitis pigmentosa ».

 A – ASPECTS GÉNÉTIQUES :
Cette maculopathie est, à l’image des rétinites pigmentaires, très hétérogène sur le plan génétique et moléculaire.
Tous les modes de transmission ont été décrits dans la dystrophie des cônes : autosomique dominant, autosomique récessif, récessif lié à l’X et mitochondrial.
Il existe plus de dix gènes localisés pour la dystrophie des cônes, dont trois identifiés à ce jour.
La liste des gènes cartographiés et identifiés augmente en permanence.

B – HISTOLOGIE :
La dystrophie progressive des cônes correspond à une atteinte sélective des cônes.
Il a longtemps été débattu de l’origine du processus dégénératif, entre une atteinte primaire de l’épithélium pigmentaire et une atteinte primaire des photorécepteurs.
L’affection, très hétérogène, correspond en fait à plusieurs entités différentes et il est fort possible que les deux hypothèses soient valides, selon l’origine génétique de l’affection.
Dans la plupart des cas cependant, l’atteinte dégénérative débute dans les cellules photoréceptrices.

C – ASPECTS CLINIQUES :
La dystrophie progressive des cônes concerne le plus souvent des adultes jeunes entre 20 et 30 ans, qui consultent pour une baisse de l’acuité visuelle centrale bilatérale, fréquemment asymétrique.
Classiquement, il s’y associe une photophobie intense et une dyschromatopsie.
L’évolution est en règle générale assez rapide, vers une acuité comprise entre 2/10 et 1/20, puis vers un scotome central.

1- Examen du fond d’oeil :
À l’examen du fond d’oeil, la maladie est, là encore, très hétérogène.
Schématiquement, on peut observer trois types d’aspects.

  1. Dépigmentation périfovéolaire en cocarde :
    Elle correspond à une couronne d’altération de l’épithélium pigmentaire autour du pigment xanthophylle, avec une seconde couronne normalement pigmentée.
    Elle n’est ni spécifique, ni pathognomonique de la maladie.
  2. Remaniements maculaires pigmentaires inhomogènes :
    D’expression très variable, ils peuvent aller de petites zones de remaniements atrophiques minimes d’aspect poivre et sel à des plages atrophiques plus profondes.
    À l’intérieur d’une même famille peuvent exister les deux aspects (en oeil de boeuf ou remaniements pigmentaires) selon les individus.
  3. Atrophie choriorétinienne centrale :
    L’atrophie concerne les couches de l’épithélium pigmentaire et de la choriocapillaire.
    C’est en fait un stade tardif des formes précédentes.

2- Angiographie en fluorescéine :
L’angiographie fluorescéinique permet le bilan des atteintes débutantes de l’épithélium pigmentaire.
Les lésions visibles au fond d’oeil sont parfaitement corrélées à l’aspect angiographique.

  1. Maculopathie en « oeil de boeuf » :
    La couronne hyperfluorescente peut prendre un aspect plus ou moins large, complet ou incomplet, en fer à cheval.
    Elle est ici sémiologiquement isolée.
    À la différence de la maladie de Stargardt, cette maculopathie en oeil de boeuf ne s’accompagne pas de silence choroïdien ni de taches blanches flavimaculées.
  2. Remaniements maculaires pigmentaires inhomogènes :
    C’est dans ces formes que l’on observe un aspect poivre et sel maculaire.
    Cet aspect correspond à une alternance de points hyperfluorescents par altération de l’épithélium pigmentaire (effet fenêtre) et de points hypofluorescents par dépôts pigmentés (effet masque).
  3. Atrophie choriorétinienne centrale :
    Elle se manifeste par une plage d’atrophie profonde qui concerne tant l’épithélium pigmentaire que la couche choriocapillaire.
    On visualise ainsi parfaitement les gros vaisseaux choroïdiens lors de la séquence angiographique.

3- Électrorétinogramme :
L’ERG constitue l’examen clé du diagnostic de dystrophie progressive des cônes.
Il permet le diagnostic positif de la maladie et contribue à différencier les atteintes exclusives des cônes des atteintes mixtes (cônes et bâtonnets).
La réponse globale reste préservée et cette dystrophie maculaire se traduit par une diminution des amplitudes des ondes b en stimulation au blanc en ambiance diurne.
L’ERG en mode flicker permet également d’évaluer avec précision la fonction des cônes.
L’ERG multifocal permet d’apprécier plus finement la localisation topographique du déficit fonctionnel et de surveiller l’évolution.

4- Autres moyens d’investigation :

  1. Examen en tomographie à cohérence optique :
    Il permet d’apprécier l’épaisseur rétinienne.
    Dans les formes typiques, on observe, à la place de la dépression fovéolaire, une perte de toute l’épaisseur rétinienne dans la zone fovéolaire.
    Plus en périphérie, l’épaisseur rétinienne reste normale.
  2. Examen du champ visuel :
    L’atteinte est exclusivement centrale et le champ visuel périphérique reste indemne.
    L’examen du champ visuel permet d’évaluer l’importance en surface du scotome central.
  3. Angiographie au vert d’infracyanine :
    Cet examen ne montre pas d’élément caractéristique et est peu utile pour le diagnostic de dystrophie des cônes.
    Il présente cependant l’avantage d’être moins éblouissant que l’angiographie à la fluorescéine et permet de visualiser une plage d’atrophie choriorétinienne profonde. Son indication peut être posée en cas de doute diagnostique avec la maladie de Stargardt.

D – DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

1- Rétinite pigmentaire inverse (« cone-rod dystrophy ») :
Ce terme correspond à une rétinite pigmentaire qui débute par l’atteinte maculaire avant d’évoluer vers la périphérie.
L’atteinte est alors centrifuge et non centripète.
En faveur d’une rétinite pigmentaire inverse, on retient la présence de pigment et une gracilité artérielle à l’examen du fond d’oeil.
L’examen du champ visuel révèle le plus souvent des déficits périphériques.
C’est en fait l’ERG qui permet d’affirmer l’atteinte mixte des cônes et des bâtonnets.
De façon intéressante, l’examen en OCT retrouve ici aussi bien une perte de l’épaisseur fovéolaire qu’une diminution de l’épaisseur rétinienne en périphérie.
Le pronostic est alors bien plus sévère puisque le champ visuel des patients est concerné, la maladie évoluant vers la cécité totale.

2- Maculopathie en oeil de boeuf :
Cet aspect fréquent, non pathognomonique, doit faire réaliser un ERG si l’on évoque une dystrophie des cônes.

3- Dystrophie aréolaire centrale :
Cliniquement, il s’agit d’une forme frontière entre la dystrophie des cônes et la dégénérescence maculaire liée à l’âge atrophique.
On ne retrouve généralement pas de drusen à l’examen du fond d’oeil et les complications néovasculaires sont exceptionnelles.
L’acuité visuelle commence à baisser entre 40 et 50 ans, de façon lentement progressive.
L’aspect à l’examen du fond d’oeil et angiographique est très comparable aux formes cliniques de la dystrophie progressive des cônes.
La plage d’atrophie choriorétinienne centrale est à bords nets, bien délimités.
La dégradation électrorétinographique ne se fait qu’à un stade plus tardif de la maladie.
Les cas sporadiques sont les plus nombreux, mais il a été décrit des formes familiales à transmission autosomique dominante.

4- Colobome maculaire héréditaire :
Encore dénommé colobome maculaire héréditaire de Sorsby ou colobome maculaire autosomique dominant.
Il s’agit d’une atteinte congénitale stationnaire fréquemment associée à un strabisme ou à un nystagmus.
La lésion, profonde, fréquemment pigmentée, laisse voir le fond scléral.
L’affection peut être associée à une dysmorphie à type de brachydactylie ou de syndactylie, ou à des malformations rénales. Le gène de la dystrophie maculaire de Sorsby est localisé en 22q12.18q13.2 et identifié.
Il s’agit du gène TIMP 3, qui appartient à la famille des gènes TIMP, inhibiteurs naturels des métalloprotéinases des matrices extracellulaires.

5- Dystrophie maculaire de la Caroline du Nord :
Par définition, les individus atteints sont originaires de l’État de Caroline du Nord.
Il existe également quelques individus français atteints de cette maculopathie, ce qui suggère un ancêtre fondateur commun.
Au stade 1, la macula est entourée de petites taches blanchâtres qui évoquent des drusen.
Au stade 2, ces taches confluent vers la fovea.
Au stade 3 apparaissent quelques pigmentations fines, une extension des taches qui dépassent l’aire maculaire, puis une atrophie aréolaire pseudocolobomateuse à bords nets.
L’acuité visuelle baisse progressivement de 6/10 environ au stade 1 à 1/10 ou moins au stade 3. Le gène est localisé en 6q14-q16.2.

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