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Immunisation sanguine fœto-maternelle

Allo-immunisation est une immunisation entre deux personnes 
 

Physiopathologie :
A – Acquisition des anticorps maternels :
L’acquisition des anticorps maternels survient à la suite de l’introduction d’érythrocytes étrangers, chez la patiente, dans différentes circonstances : transfusion, grossesse, hétéro-hémothérapie, greffes, toxicomanies.

Le risque d’immunisation est beaucoup plus important après transfusion tout en étant très présent dans les autres circonstances.
Dans les cas les plus fréquents, on retrouve une immunisation dans le système D, mais il est possible de découvrir des anticorps anti-c, anti-C, anti-Kell qui peuvent donner le même type de problème.

B – Débit d’anticorps vers le foetus :
Pendant la grossesse, on peut concevoir qu’il existe un enchaînement d’événements immunopathologiques qui risquent d’aboutir à l’hémolyse foetale.
Le débit d’anticorps vers le foetus dépend de 2 éléments principaux : la concentration maternelle en anticorps pathogènes qui peut entraîner, si elle est élevée, une anémie importante chez le foetus ; la cinétique du transfert transplacentaire de ces anticorps.
La concentration en IgG augmente en cours de grossesse ; faible avant 4 mois, elle dépasse le taux maternel en fin de grossesse ce qui en confirme le caractère actif.

C – Formation des complexes immuns :
La fixation des anticorps sur le globule rouge constitue une étape importante du processus hémolytique des érythrocytes foetaux.
La densité des antigènes cibles sur les hématies foetales intervient ainsi que l’affinité de l’anticorps pathogène pour l’antigène.
Il est certain que ces éléments permettent d’expliquer la variabilité des atteintes foetales à taux d’anticorps équivalents.

D – Hémolyse foetale :
Ce sont les macrophages de la rate et du foie qui vont prendre en charge l’hémolyse des érythrocytes.
Ces cellules effectrices captent les globules rouges par l’intermédiaire de la partie Fc des anticorps fixés.
L’importance de cette lyse est dépendante de la concentration et de l’affinité des antigènes ainsi que de la structure du fragment Fc de l’immunoglobuline fixée.
En effet, le degré d’activation macrophagique est lié à l’appartenance de l’anticorps à l’une des sous-classes d’IgG (IgG1, par exemple), plus pathogène pour les antigènes D.

E – Conséquences foetales de l’hémolyse :
L’anémie est la conséquence foetale de l’hémolyse.
Bien que la tolérance foetale de l’anémie soit remarquablement bonne, notamment pendant la première moitié de la grossesse, cette anémie peut être à l’origine de complications sévères pouvant aller jusqu’à la mort in utero dans un tableau d’anasarque si elle n’est pas corrigée.
Cette tolérance de l’anémie permet au foetus de ne développer aucun signe clinique ou échographique pour des taux d’hémoglobine relativement bas comme 3 à 4 g/mL d’hémoglobine au début du deuxième trimestre de la grossesse, ce qui n’est pas le cas plus tard ; par contre les moindres signes échographiques ont leur importance car la décompensation de l’anémie peut être très rapide.
Malgré les phénomènes d’adaptation, une augmentation du flux sanguin et une érythropoïèse compensatrice s’installent pour lutter contre l’anémie foetale.
Si cette dernière n’est pas corrigée, on assiste à une décompensation de ce tableau avec une évolution vers l’anasarque.
Il est possible de distinguer 2 stades sur le plan physiopathologique ; la frontière entre les 2 est souvent difficile à cerner.
• Le stade précoce ou stade fonctionnel se caractérise par un tableau d’anasarque débutant avec un ou plusieurs des signes suivants, dépistés à l’échographie de surveillance : épanchement au niveau des séreuses (péricarde, plèvre, abdomen), oedème cutané généralisé, hépatosplénomégalie, diminution de la vitalité foetale, polyhydramnios, augmentation de l’épaisseur placentaire.
Sur le plan biologique, ce tableau se traduit par une anémie le plus souvent comprise entre 3 et 6 g/dL, un taux modérément élevé des érythroblastes circulants, l’absence de thrombopénie, une gazométrie normale et l’absence de perturbation de paramètres biochimiques, excepté une hypoalbuminémie modérée de dilution.
La régression in utero du syndrome d’anasarque est généralement obtenue rapidement, en quelques jours après correction transfusionnelle in utero de cette anémie.
• Le stade tardif ou lésionnel est constitué par un tableau d’anasarque foeto-placentaire confirmé avec ascite, hépatomégalie, oedème cutané, polyhydramnios et hypertrophie placentaire.
Il se caractérise par une anémie en moyenne plus marquée, le taux d’hémoglobine étant fréquemment inférieur à 3 g/dL, mais surtout une série plus ou moins complète d’anomalies apparaît (thrombopénie, élévation des transaminases sériques, érythroblastose périphérique et diminution de la pression veineuse ombilicale en oxygène) qui témoigne de lésions cellulaires variées, d’un état de coagulopathie et de perturbations graves des échanges gazeux transplacentaires.
La régression de l’anasarque peut être obtenue in utero par correction transfusionnelle, mais de façon moins régulière et moins rapide que pour le stade précoce de ces anasarques.
La présence de thrombopénie et l’absence de normalisation de la pression veineuse ombilicale en oxygène constituent des éléments de mauvais pronostic.

Dépistage :
On peut être amené à envisager ce problème d’agglutinines irrégulières positives en cours de grossesse ou en dehors de toute grossesse, la patiente venant consulter pour avis avant d’entreprendre une nouvelle grossesse.

A – Agglutinines irrégulières dépistées :
À la suite d’études, grâce à un panel d’antigènes, il est possible de définir le ou les types d’anticorps.
Une étude faite en 1987 par le centre d’hémobiologie périnatale de Paris, chez 675 femmes enceintes, a permis d’évaluer que : l’anti-D accompagné ou non d’autres anticorps (anti-C et anti E), représente près de 50 % des anticorps.
Un tiers des anticorps recouvre les spécificités anti-E (isolé), anti-Kell ou anti-c.
L’anti-M vient largement en tête du groupe des autres anticorps, qui représente 13% des anticorps identifiés.

B – Bilan initial de gravité : il tient compte d’un certain nombre d’éléments.
1- Détermination du phénotype paternel :
Si le père est homozygote, le risque d’avoir un enfant atteint est évalué à plus de 98 % ; s’il est hétérozygote, il est de 50 %.
Dans ce dernier cas, il est possible de déterminer le groupe sanguin du foetus dès 10 semaines d’aménorrhée (SA) par biopsie de trophoblaste.
Cette exploration est réservée aux patientes présentant un taux d’agglutinines irrégulières particulièrement élevé ou avec des antécédents sévères.
En effet, ce geste diagnostique, comme tout geste in utero, présente un risque important de réactivation du taux des anticorps ; il ne doit donc être préconisé que s’il se solde par une interruption médicale de grossesse en cas de grossesse incompatible.
2- Antécédents de la patiente :
Il est intéressant de connaître le mode d’immunisation de cette patiente; il peut s’agir d’une transfusion hétérogroupe ou de motifs obstétricaux.
Sur le plan obstétrical, on peut retrouver une absence de prévention ou une prévention insuffisante dans des situations à risque d’hémorragie foeto-maternelle : fausse couche spontanée, interruption volontaire ou médicale de grossesse, métrorragie, grossesse extra-utérine, cerclage, choriocentèse, amniocentèse, cordocentèse, hématome rétroplacentaire, choc sur l’abdomen, version par manoeuvre externe, placenta prævia, mort in utero et surtout lors de l’accouchement.
Si la patiente présente des antécédents obstétricaux avec allo-immunisation foeto-maternelle, il est intéressant d’en connaître la sévérité (ictère post-natal, mort in utero, anasarque ) et le terme, pour orienter le schéma de surveillance et la fréquence des contrôles biologiques et échographiques.
3- Taux des agglutinines irrégulières :
il est évalué avec un dosage pondéral et, si possible, comparé aux résultats des grossesses antérieures.

C – Surveillance de la grossesse :
1- Clinique :
La surveillance est rigoureuse comme pour toute grossesse. Il faut être particulièrement vigilant sur le dépistage de signes évoquant une diminution de la vitalité foetale ou un début de décompensation (apparition de polyhydramnios ou de syndrome toxémique ).
2- Échographie :
Elle est importante pour la surveillance de ces grossesses.
Elle permet de préciser le terme et de dépister des signes d’hémolyse ou d’anémie foetale en faisant des examens comparatifs tous les 15 jours voire toutes les semaines dans les cas particulièrement à risque.
Cette surveillance permet d’indiquer des explorations plus invasives, en cas d’aggravation, mais également, dans un bon nombre de cas, de temporiser.
Lorsque débute la décompensation de ce tableau d’alloimmunisation, les « petits » signes échographiques précédant l’anasarque ont une valeur primordiale.
On peut définir schématiquement 3 stades échographiques.
• Le premier stade est celui où l’échographie ne révèle aucun signe de décompensation, mais ne permet pas d’exclure l’anémie foetale.
Ce sont les autres éléments de surveillance qui permettent d’orienter le diagnostic.
• Le deuxième stade ou anasarque débutante correspond généralement à l’anasarque fonctionnelle.
Elle peut se manifester, chez le foetus, par un épanchement péricardique, une hépatomégalie, des anses intestinales trop bien vues, une ascite débutante, un oedème cutané, enfin une diminution de la vitalité ; au niveau des annexes, un polyhydramnios et une augmentation de l’épaisseur placentaire.
• Le troisième stade ou anasarque confirmée se manifeste par une aggravation des signes précédemment décrits.
Il peut correspondre au stade fonctionnel ou au stade lésionnel de la forme hydropique, et même à l’association des deux; c’est la biologie qui permet de faire la différence et de donner ainsi une évaluation pronostique.
L’examen échographique a donc un énorme intérêt dans le dépistage de l’anémie foetale sans avoir de contreindications.
De plus, il permet l’évaluation du « bienêtre » foetal par l’étude des paramètres suivants : volume du liquide amniotique, mouvements respiratoires, mouvements et tonus foetaux (score de Manning).
Enfin, l’échographie permet, si nécessaire, la réalisation de gestes thérapeutiques in utero.

3- Doppler : L’étude du flux sanguin ombilical par vélocimétrie doppler révèle que, dans les formes sévères, les résistances placentaires sont diminuées et le débit sanguin dans la veine ombilicale accru, témoignant d’une augmentation du travail myocardique, source de défaillance cardiaque in utero et néonatale.

4- Cardiotocographie : L’apparition d’un rythme d’aspect sinusoïdal signe une anémie foetale, nécessitant une prise en charge rapide.

5- Agglutinines irrégulières :  2 techniques. d’autres sont en cours d’évaluation.
• Le titre en Coombs indirect ou titrage par technique indirecte à l’antiglobuline consiste à mettre en présence des dilutions en progression géométrique du sérum à titrer et des hématies à la température de 37 °C et à force ionique physiologique.
Les hématies sont secondairement lavées et enfin centrifugées dans une solution d’anti-IgG humaine (antiglobuline).
Après resuspension des hématies, on observe si celles-ci sont agglutinées.
Le titre correspond à la plus forte dilution de sérum capable d’entraîner une agglutination.
Le titre d’un anticorps dépend de la concentration de l’anticorps et de son affinité physiologique pour l’antigène.
• Le dosage pondéral permet de déterminer la concentration en anticorps anti-D des gammaglobulines RhD.
Elles sont également utilisées pour d’autres anticorps comme les anti-c.
La méthode la plus utilisée est celle de dosage comparatif des complexes immuns, en faisant intervenir une gamme-étalon de concentration connue en anticorps.
Les résultats sont donnés en 2 temps : le premier temps, l’utilisation des hématies faiblement traitées par une solution de broméline introduite dans le circuit d’agglutination permet d’obtenir la destruction des anticorps IgG3 anti-D ; le second temps utilise des hématies fortement bromélinées.
Le taux nécessitant une surveillance plus stricte est en moyenne 1 mg soit 250 unités CHP en T1 et T2 pour l’allo-immunisation anti-D.
La fréquence des recherches est fonction du taux initial et à intervalle maximal de 1 à 4 semaines.

6- Amniocentèse : c’est en 1961 que Liley établit son fameux diagramme en reliant bilirubinamnie et devenir foetal.
Il le fit selon la seule méthode praticable à cette époque, c’est-à-dire en reliant la valeur de l’indice optique 450 (qui est l’équivalent spectrophotométrique de la bilirubinamnie) à l’atteinte hémolytique.
Par définition même, la bilirubinamnie est plus directement liée à l’intensité de l’hémolyse qu’à l’anémie proprement dite.
Mais la tendance actuelle vise cependant à étendre la corrélation décrite par Liley à l’évaluation de l’anémie foetale par l’indice optique 450.
Ce diagramme a été construit à partir de 28 semaines d’aménorrhée et définit 3 zones : la zone inférieure correspondant à une atteinte de faible gravité, la zone intermédiaire évoquant une gravité moyenne et la zone supérieure ou gravité extrême nécessitant une décision thérapeutique.
L’avènement de la cordocentèse a permis de prolonger le diagramme en deçà de 28 semaines d’aménorrhée et à partir de 22 semaines d’aménorrhée en confrontant le taux d’hémoglobine foetale et la bilirubinamnie.
Il est important de tenir également compte que l’amniocentèse, comme tout acte diagnostique invasif, comporte le risque non négligeable de réactivation du taux des anticorps.

7- Cordocentèse :
Si cette exploration permet de donner la valeur exacte de l’anémie, elle ne doit être pratiquée qu’après réflexion ; en effet, ce geste n’est pas dénué de risque ; de plus, il risque de réactiver le taux des anticorps de façon encore plus importante que l’amniocentèse.
La cordocentèse doit se pratiquer sous échoguidage permanent avec du sang préparé et rendu compatible pour un éventuel traitement.

D – Stratégie de prise en charge :
Lorsqu’on diagnostique une allo-immunisation érythrocytaire, il est important d’établir un bilan initial de gravité soit avant, soit en début de grossesse.
La stratégie de prise en charge de ces grossesses doit être très rigoureuse en évitant les investigations in utero abusives qui risquent de réactiver le taux des anticorps.
Il est également important de souligner que les actes transfusionnels s’ils sont nécessaires ne doivent jamais être réalisés en préventif, car il est toujours souhaitable de les économiser.
Étant donné ces diverses possibilités de prise en charge diagnostique et thérapeutique, on peut rassurer les patientes sur le pronostic de leur grossesse.
Les thérapeutiques in utero doivent être conduites par des équipes entraînées qui ont l’habitude de travailler ensemble.
Enfin, on peut souligner qu’il ne faut bien sûr pas relâcher la surveillance et la réalisation de la prévention pour éviter l’acquisition de ces allo-immunisations érythrocytaires.

Prévention :
La prophylaxie n’est possible que pour la seule alloimmunisation anti-D.
Elle consiste à injecter par voie intraveineuse une dose de gammaglobulines anti-D pour neutraliser les globules rouges Rhésus positifs étrangers qui seraient passés dans l’organisme maternel avant toute mise en route du processus d’immunisation.

A – Circonstances de l’allo-immunisation :
Pendant la grossesse, un certain nombre de circonstances peuvent favoriser le passage d’hématies foetales dans la circulation maternelle, risquant ainsi d’induire une immunisation si le foetus est Rhésus positif et la mère Rhésus négatif.
Ces circonstances constituent les indications de l’immunoprophylaxie :
– au cours du 1er trimestre de la grossesse, lors des biopsie de trophoblaste, métrorragie, fausse couche, grossesse extra-utérine, interruption volontaire de grossesse, amniocentèse ou cerclage ;
– au cours du 2e trimestre de la grossesse, lors d’amniocentèse, de cordocentèse, de réduction embryonnaire, de fausse couche, d’interruption médicale de grossesse ou toute intervention pelvienne ;
– au cours du 3e trimestre, en cas de placenta prævia, de mort in utero, d’amniocentèse ou cordocentèse ;
– à l’accouchement, si l’enfant est Rhésus positif.

B – Quantification la prévention :
Il est possible de quantifier la dose de gammaglobulines anti-D à injecter de 2 façons.
• Le test de Kleihauer permet d’évaluer le passage d’hématies foetales dans la circulation maternelle : 10 hématies foetales pour 10 000 hématies maternelles correspondent environ à un passage de 5 mL de sang foetal.
Il suffit de 100 mg d’anti-D pour les neutraliser. Si le passage est plus important, il faut augmenter la prévention de 10 mg/mL de sang supplémentaire.
• Le test de Coombs après la prévention : s’il est positif, cela donne l’assurance de l’efficacité puisqu’il existe des globulines en excès.

C – Moyens de prévention en cours d’évaluation :
Le renforcement de la prévention chez la femme primigeste peut se faire en injectant une dose de gammaglobulines anti-D à 28 et 34 semaines d’aménorrhée.
Cette attitude est préconisée au Canada pour diminuer le risque d’immunisation primaire sérologiquement décelable en cours de 1re grossesse.
Ce risque est évalué à 1 ou 1,5 % chez les femmes enceintes Rhésus négatif avec un foetus Rhésus positif.
La prévention en cours de grossesse est renouvelée toute les 6 semaines jusqu’à l’accouchement en cas de 1re injection de gammaglobuline anti-D.
Cette attitude serait justifiée par le phénomène paradoxal de facilitation de l’immunisation à la suite de l’injection de quantités minimes d’IgG anti-D; mais cette attitude comporte ses écueils, notamment celui de masquer une immunisation débutante.
Donc, cela nécessite une évaluation plus poussée.
Dans les circonstances décrites, si la prévention était toujours appliquée avec des doses efficaces, l’allo-immunisation foeto-maternelle ne devrait pratiquement plus se rencontrer et pourtant elle est toujours présente, concernant environ 1 à 2 patientes pour 2 000 actuellement en France. Une prise en charge rigoureuse est alors nécessaire.

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