Cardiologie
Péricardites aiguës
Définition : La péricardite aiguë est à une inflammation aiguë des feuillets du péricarde.
Étiologie :
Devant une péricardite chez un patient non hospitalisé, les deux étiologies de loin les plus fréquentes sont :
- la péricardite idiopathique
- la péricardite virale.
Diagnostic positif :
Le diagnostic de péricardite est essentiellement basé sur les données cliniques.
A – Clinique :
1- Interrogatoire :
• Douleur thoracique à type d’oppression, pesanteur voire parfois constriction, siège au niveau rétrosternale ou latérothoracique gauche, rarement épigastrique ; la durée de douleur est prolongée, permanente ; irradiant parfois dans le cou, les épaules ou le bras gauche;
– circonstances aggravantes : l’inspiration profonde, la toux et le décubitus dorsal augmentent la douleur ;
– position antalgique : assis, buste penché en avant ;
• La dyspnée est souvent associée et aussi aggravée par le décubitus dorsal et l’inspiration profonde.
• Une symptomatologie associée se rapporte à la cause.
Dans les péricardites aiguës virales, on retrouve souvent un syndrome pseudo-grippal ou une infection ORL dans les semaines qui précèdent.
La fièvre ou plus souvent une fébricule peut coexister avec les signes péricardiques.
2- Examen physique :
L’auscultation cardiaque retrouve typiquement un frottement (bruit de cuir neuf) typiquement systolo-diastolique, avec 3 composantes : présystolique, systolique et, durant le remplissage rapide, diastolique.
Ce frottement mésocardique, sans irradiation, peut disparaître d’un moment à l’autre, il est mieux perçu en position assise, buste penché en avant et en inspiration profonde.
L’examen sera par ailleurs complet à la recherche de signes de tamponnade (turgescence jugulaire, reflux hépato-jugulaire, chute tensionnelle, pouls paradoxal) et de signes d’orientation étiologique (éruption cutanée, arthrite, adénopathie…).
B – Examens paracliniques :
1- Électrocardiogramme :
Au cours de la péricardite, les signes électriques sont évolutifs.
• Stade I : c’est le stade initial avec un sus-décalage de ST à concavité supérieure n’englobant pas l’onde T, diffus et sans miroir, il est retrouvé dans toutes les dérivations sauf aVR (voltage right augmenté) et V1.
• Stade II : quelques jours plus tard, le segment ST est normalisé (isoélectrique), les ondes T sont plates
• Stade III : le segment ST est isoélectrique, les ondes T sont négatives.
• Stade IV : l’électrocardiogramme se normalise en quelques jours ou quelques semaines.
À ces troubles de repolarisation, s’associent dans 80 % des cas un sous-décalage de PQ, en général contemporain des stades I et II, souvent une tachycardie sinusale et rarement des troubles du rythme auriculaire (arythmie complète par fibrillation auriculaire).
Quand l’épanchement péricardique est abondant, on peut observer un microvoltage dans les dérivations standard.
2- Radiographie du thorax :
Dans les péricardites isolées sèches ou avec petit épanchement, cet examen est normal.
Parfois, peut s’associer à la péricardite un petit émoussement de cul-de-sac pleural ou un discret épanchement pleural, plus souvent à gauche.
Dans ce cas, on parle de pleuropéricardite, ce qui n’influe ni sur le traitement ni sur l’évolution. Quand l’épanchement est important, on observe un élargissement de la silhouette cardiaque.
3- Échographie cardiaque :
Cette méthode est très sensible et très spécifique pour la détection des épanchements péricardiques.
Les péricardites aiguës bénignes sont très souvent sèches et, dans ce cas, l’échocardiographie n’est d’aucune aide pour le diagnostic positif mais peut par contre affirmer ou éliminer certains diagnostics différentiels.
4- Biologie :
Les paramètres non spécifiques de l’inflammation sont augmentés dans les péricardites aiguës bénignes : vitesse de sédimentation, protéine C réactive, hyperleucocytose. Les autres examens biologiques seront demandés selon le contexte : suspicion de néoplasie ou de séropositivité au virus d’immunodéficience humaine (VIH)…
En cas de récidive(s) de péricardite, les sérologies virales seront prélevées.
Les enzymes cardiaques (CPK) peuvent être élevées, suggérant une atteinte épicardique ou myocardique associée le plus souvent sans aucune traduction clinique.
5- Biopsie péricardique :
Elle est réalisée dans le même temps opératoire si l’épanchement est drainé.
Elle n’est nécessaire qu’exceptionnellement dans les péricardites aiguës.
Diagnostic différentiel :
• Épisode ischémique aigu : la douleur de péricardite peut parfois avoir un caractère pseudo-ischémique.
• Embolie pulmonaire : elle peut elle-même s’accompagner d’une réaction péricardique dans 4 % des cas.
Les gaz du sang, le dosage des D-dimères, l’écho-doppler veineux voire la scintigraphie pulmonaire aideront à poser le diagnostic.
• Épanchement pleural : les douleurs peuvent se ressembler et les deux pathologies peuvent être intriquées. Les modifications électrocardiographiques , l’échocardiographie, la radiographie de thorax permettront de déterminer si l’atteinte est pleurale et (ou) péricardique.
• Pathologies abdominales : elles apparaissent rarement.
Quand la douleur est de siège épigastrique, la péricardite peut faire évoquer une pathologie abdominale.
Évolution :
Les péricardites aiguës bénignes évoluent favorablement en quelques jours et tous les signes cliniques et biologiques cèdent en 3 semaines environ.
Quant aux péricardites d’autre nature, l’évolution est très variable selon l’étiologie. Les péricardites postinfarctus ont en général une évolution rapidement favorable sous traitement anti-inflammatoire.
Le pronostic ultérieur est déterminé par les conséquences de la nécrose car il s’agit le plus souvent d’infarctus assez étendus.
L’issue des péricardites néoplasiques par exemple dépend du caractère curable ou non du cancer sous-jacent.
Les péricardites radiques doivent être suivies car l’évolution se fait dans 75 % des cas vers la péricardite constrictive.
Les péricardites purulentes gardent malgré les antibiotiques un pronostic très défavorable, grevé d’une lourde mortalité due pour une large part au retard diagnostic.
Avec l’antibiothérapie intraveineuse associée au drainage chirurgical, le pronostic est nettement amélioré.
Les péricardites tuberculeuses ont, depuis l’existence des traitements antituberculeux, un meilleur pronostic mais nécessitent assez souvent le recours à la décortication en raison de l’évolution vers la constriction.
Complications :
A – Myocardite associée :
Il s’agit plus d’une forme clinique que d’une complication réelle de la péricardite.
Les myopéricardites ont un pronostic dépendant de l’évolution de la myocardite : insuffisance cardiaque, évolution vers la cardiopathie dilatée chronique.
B – Tamponnade :
Il s’agit d’une complication grave de la péricardite menaçant le pronostic vital immédiat.
Elle relève donc d’une prise en charge urgente.
Elle est due à une augmentation souvent rapide de la pression intrapéricardique.
Elle se définit par une élévation des pressions intracardiaques, une diminution du remplissage diastolique et une baisse du volume d’éjection systolique et du débit cardiaque.
• Cliniquement, elle se manifeste par une dyspnée d’effort et de repos majorée par le décubitus dorsal, la présence d’une turgescence jugulaire, d’un reflux hépatojugulaire, d’une baisse de la pression artérielle avec au maximum un état de choc puis une dissociation électromécanique.
On constate aussi à l’examen clinique un pouls paradoxal (baisse de 10 mmHg de la pression artérielle systolique durant l’inspiration).
Le diagnostic est confirmé par l’échocardiographie qui permet de quantifier l’épanchement et détecte les signes de compression des cavités cardiaques et le retentissement hémodynamique sur les flux de remplissage.
• Le traitement médical consiste en un remplissage par des macromolécules dans l’attente du geste chirurgical curatif urgent : le drainage péricardique avec mise en place d’un drain.
En cas d’extrême urgence, le drainage peut se faire au lit du patient avec ou sans guide échographique.
Dans les néoplasies, on réalisera souvent dans le même temps chirurgical, une fenêtre péricardopleurale afin de permettre en cas de reconstitution de l’épanchement l’évacuation vers la plèvre qui est facilement accessible à la ponction transcutanée.
• L’étiologie de loin la plus fréquente de la tamponnade est la péricardite néoplasique (58 % des cas).
Elle complique rarement la péricardite aiguë idiopathique ou virale.
C – Péricardite constrictive :
Elle est le résultat de la rigidification du péricarde, due à sa fibrose et (ou) à sa calcification.
Cette diminution de l’extensibilité du péricarde aboutit à la diminution du remplissage diastolique.
Il s’agit d’une pathologie assez rare dont l’étiologie est exceptionnellement la péricardite aiguë bénigne. Lorsque la cause est retrouvée, il s’agit le plus souvent d’une péricardite tuberculeuse, radique ou postopératoire de chirurgie cardiaque.
Dans ce dernier cas, la constriction peut être très précoce (quelques semaines après l’intervention). Cliniquement, elle se manifeste par des signes d’insuffisance cardiaque droite (turgescence jugulaire, reflux hépatojugulaire, ascite, oedème des membres inférieurs) auxquels peut secondairement s’associer une dyspnée.
L’électrocardiogramme peut mettre en évidence un microvoltage diffus et dans un peu moins de la moitié des cas une arythmie complète par fibrillation auriculaire.
Sur la radiographie de thorax, on peut, lorsqu’elles existent, voir les calcifications péricardiques qui entourent le coeur.
Le diagnostic est posé grâce à l’échocardiographie qui objective l’épaississement péricardique parfois associé à un minime épanchement, la dilatation de l’oreillette droite et surtout au doppler, les anomalies de remplissage diastolique.
Il est parfois nécessaire d’obtenir une confirmation diagnostique par un cathétérisme droit avant et après remplissage par des macromolécules.
On peut ainsi mettre en évidence sur les courbes hémodynamiques une élévation des pressions droites avec égalisation des pressions de remplissage des ventricules droit et gauche.
Si le traitement diurétique suffit à juguler la symptomatologie, il sera le seul mis en oeuvre en association si possible au traitement étiologique (par exemple antituberculeux).
Par contre, pour les patients qui restent très symptomatiques malgré un traitement médical bien conduit, on propose une décortication (une résection chirurgicale du feuillet pariétal du péricarde).
D – Récidives, rechutes :
Les rechutes et récidives surviennent dans 20 à 30 % des cas.
Ce sont les complications les plus fréquentes des péricardites aiguës ou virales.
On distingue la rechute qui survient dès l’arrêt du traitement et la récidive qui survient, elle, après un intervalle libre de symptômes après l’arrêt du traitement.
Dans ces cas, l’enquête étiologique est approfondie même en l’absence de signe d’orientation étiologique.
En général, l’évolution est favorable après l’institution d’un traitement anti-inflammatoire plus prolongé avec une décroissance plus progressive des doses.
Il est parfois nécessaire de recourir au traitement corticoïde voire à la colchicine.
Traitement :
• La péricardite aiguë idiopathique ou virale : son traitement repose sur l’aspirine à dose anti-inflammatoire (2 à 3g/j) ou sur un traitement par anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS, type Indocid) à dose décroissante sur 2 à 4 semaines voire plus prolongé lorsqu’il s’agit d’une récidive ou d’une rechute.
• Pour les péricardites dues à d’autres causes, le traitement dépend de celles-ci : traitement antituberculeux ou anticancéreux ou corticoïdes (maladie de système)…
• Pour les péricardites compliquées de tamponnade, constriction ou récidives, il faut se référer aux complications et à leurs traitements spécifiques.