Suppurations anale Proctologie 

Suppurations

Elles peuvent se voir soit au stade d’abcès, associant douleur, tuméfaction et signes généraux d’intensité variable, soit au stade de fistule avec un écoulement séropurulent.
L’examen clinique permet le diagnostic étiologique dans l’immense majorité des cas.
Les examens complémentaires, en particulier l’imagerie par résonance magnétique et l’échoendoscopie, sont sans intérêt dans les suppurations indépendantes de l’anorectum et ne sont pas encore totalement fiables dans les fistules anales, méconnaissant souvent dans ce dernier cas le siège de la glande responsable et parfois la traversée sphinctérienne.
Le traitement en phase aiguë repose sur l’incision de l’abcès, ce qui permet d’attendre le traitement étiologique qui est chirurgical.
Les antibiotiques utilisés seuls peuvent favoriser une évolution torpide et ne traitent pas la cause sous-jacente.
Nous ne parlerons que des techniques chirurgicales utilisées dans le service.
La classification des suppurations anopérinéales repose sur leurs rapports avec le rectum et le canal anal : ainsi on peut distinguer les suppurations indépendantes de l’anorectum (22 %) et les suppurations dont l’origine est au niveau du canal anal (76 %).

A – Suppurations indépendantes de l’anorectum :
1- Sinus pilonidal (15 %) :
Il s’agit d’une cavité pseudokystique, parfois occupée par des poils, le plus souvent située dans le tissu cellulaire précoccygien et présacré, communiquant avec la peau par des orifices médians ou parfois latéralisés appelés les fossettes.
Les localisations antérieures sont plus rares.
En phase aiguë d’abcès, il existe une induration rouge, chaude et douloureuse dans le sillon interfessier avec des signes généraux variables.
L’évolution spontanée se fait vers la régression ou l’ouverture à la peau. Dans la forme chronique, la sécrétion séropurulente est plus ou moins abondante, s’extériorisant par les fossettes ou par un orifice externe situé à distance du sillon interfessier.
Le traitement est toujours chirurgical : la meilleure technique reste l’exérèse de l’ensemble de la cavité à « ciel ouvert », c’est-à-dire sans refermer la plaie.
La cicatrisation est lente (2 à 3 mois) et se fait de la profondeur vers la surface et des bords vers le centre, laissant une cicatrice linéaire longitudinale dans le sillon interfessier.
Le taux de récidive avec cette technique est faible (moins de 3 %).

2- Maladie de Verneuil (4 %) :
C’est une affection cutanée dont le point de départ serait classiquement les glandes sudoripares apocrines.
Plus récemment, on a incriminé une infection des sinus pilaires.
Cliniquement, la lésion fondamentale est le nodule hypodermique.
Il est enchâssé dans le derme, recouvert d’un épiderme violacé, mobile sur le plan profond, indolore spontanément et peu douloureux à la palpation, sauf dans les périodes de rétention.
Ce nodule finit par s’ouvrir à la peau, ce qui permet d’évacuer un liquide séropurulent qui ne vide pas totalement l’abcès et laisse persister une induration qui donne ultérieurement un nouvel abcès.
Il existe à distance de cette lésion fondamentale d’autres éléments du même âge ou plus anciens, avec des cicatrices volontiers chéloïdes, communiquant entre eux par des galeries qui sillonnent la peau réalisant, au stade ultime, un aspect de « terrier de lapin ».
D’autres localisations peuvent exister sur la région inguino-scroto-pubienne, les aisselles (abcès tubéreux), la nuque, le mamelon ou derrière le lobule de l’oreille.
Un sinus pilonidal associé est relativement fréquent, de même qu’une acné ou une folliculite du cuir chevelu.
Il n’est pas rare de voir une maladie de Verneuil au cours d’une maladie de Crohn sans que l’on sache si cela est fortuit ou non.
Le traitement est chirurgical et repose sur l’exérèse en bloc, à « ciel ouvert », des lésions cutanées apparentes, en les décollant du plan profond « comme on pèlerait une orange ».
La cicatrisation est longue.
Il n’y a pas de récidive au niveau des lésions excisées, mais d’autres localisations peuvent apparaître, proches ou à distance.
3- Autres suppurations :
Nous ne ferons que citer les kystes dont l’étiologie est parfois difficile à établir sur le plan histologique, mais dont le traitement repose sur l’incision ou la dissection-exérèse.
Plus rares sont les suppurations d’origine osseuse, prostatique ou en rapport avec une maladie de système qui sont évoquées devant un orifice externe isolé sans rapport avec le canal anal et confirmées par une fistulographie.
Leur traitement est complexe, lié d’une part à la fistule mais aussi à l’affection causale.

B – Suppurations dont l’origine est au niveau du canal anal :

1- Fistules anales (71 %) :
* Définition :
Elles sont secondaires à l’infection d’une glande d’Hermann-Desfosses.
Ces glandes sont situées sur la ligne des cryptes du canal anal.
Une fistule comprend toujours un orifice interne (ou primaire) qui est cryptique et un trajet qui chemine soit vers la peau, après avoir traversé le sphincter anal, soit vers l’ampoule rectale, dans l’espace intersphinctérien, et qui peut s’y aboucher par un orifice secondaire (ou externe en cas d’ouverture à la peau).
Il n’y a donc pas de fistule borgne externe, et inversement toute suppuration qui n’a pas une origine cryptique n’est pas une fistule anale.
* Classification des fistules anales :
Elle repose sur les rapports du trajet avec l’appareil sphinctérien. Ainsi, on peut distinguer :
– les fistules transsphinctériennes que l’on classe selon la hauteur du trajet fistuleux dans l’appareil sphinctérien :
– les fistules transsphinctériennes inférieures (61 %) où seules les fibres les plus basses du faisceau profond du sphincter externe sont comprises dans la fistule ;
– les fistules transsphinctériennes supérieures (19 %) qui englobent plus de la moitié du sphincter externe ;
– les fistules suprasphinctériennes (6 %) qui intéressent tout l’appareil sphinctérien, dont tout ou partie du faisceau puborectal du releveur ;
– les fistules intersphinctériennes (ou intramurales) (14 %), qui se développent exclusivement dans l’espace d’Eisenhammer, au niveau de la couche longitudinale complexe, et peuvent remonter très haut dans le rectum et s’y ouvrir parfois spontanément, réalisant alors une fistule anorectale ; le trajet peut être simple, parallèle à l’axe du rectum, ou complexe (en spirale, en Y, en V).

2- Diverticules :
Ils peuvent se greffer sur le trajet principal et se développer :
– vers le côté opposé, réalisant ainsi une fistule en « fer à cheval » (2,75 %) ; le passage controlatéral est habituellement postérieur et se fait le plus souvent par l’espace sous-sphinctérien postérieur (70 %), plus rarement par la couche longitudinale, et exceptionnellement par l’espace postérieur du releveur ; il peut être antérieur, au niveau du noyau fibreux central du périnée (15 %) ;
– dans l’espace intersphinctérien, réalisant un diverticule intramural ;
– entre le releveur et l’aponévrose pelvienne supérieure, réalisant un diverticule sus-lévatorial respectant cette aponévrose ;
– dans l’espace pelvirectal supérieur, traversant l’aponévrose pelvienne supérieure, presque toujours iatrogène ; on peut alors observer, à l’extrême, une perforation rectale réalisant une fistule rectale extrasphinctérienne.
* Manifestations cliniques :
Elles dépendent du stade de la fistule anale.
Au stade d’abcès, la douleur est vive, permanente, souvent pulsative, non rythmée par la selle.
Le syndrome infectieux est variable, habituellement modéré.
À l’examen de la marge anale, l’abcès peut être évident devant une masse rouge, tendue, luisante, mais en cas d’abcès intersphinctérien, la marge anale apparaît normale.
La palpation douce réveille la douleur mais apprécie l’importance de la lésion.
Le toucher anal permet de localiser l’orifice interne : point du canal exquisement douloureux avec un bombement ou au contraire une dépression.
Le toucher recherche également un diverticule intramural sous la forme d’un bombement douloureux dans l’ampoule rectale.
L’anuscopie visualise parfois l’orifice interne d’où sourd une goutte de pus.
Lors de la phase chronique, qui peut succéder à une phase d’abcès ou s’installer d’emblée, l’inspection découvre un orifice externe d’où s’écoule un liquide séropurulent.
Parfois, il y a plusieurs orifices externes : s’ils sont homolatéraux, ils correspondent presque toujours à un même orifice interne ; s’ils sont bilatéraux, il faut suspecter une fistule en « fer à cheval », les fistules anales doubles ou triples étant rares.
La palpation permet parfois, en cas de fistule basse, de sentir un cordon induré, correspondant au trajet se dirigeant vers l’orifice primaire.
Comme en phase d’abcès, le toucher et l’anuscopie permettent de suspecter l’orifice interne et de dépister un diverticule intramural.
* Traitement :
Le traitement d’une fistule anale a essentiellement deux objectifs : d’une part tarir la suppuration et éviter la récidive en traitant la crypte responsable, d’autre part respecter la continence anale qui est liée à l’appareil sphinctérien mais aussi à l’architecture anorectale, ce qui conduit parfois à segmenter les temps opératoires.
Quel que soit le stade de la fistule, le traitement est exclusivement chirurgical.
L’intervention est parfois urgente pour évacuer l’abcès lorsqu’une incision sous anesthésie locale ne peut être réalisée en raison d’un abcès mal collecté ou profond. Le traitement de la fistule en elle-même comprend plusieurs étapes.
– La recherche de l’orifice interne est la première étape capitale.
Elle repose sur l’examen clinique et l’injection d’air et surtout de bleu de méthylène par l’orifice externe qui permet de colorer le trajet, les diverticules et l’orifice interne.
– La deuxième étape est la dissection-exérèse du trajet jusqu’au plan musculaire et le cathétérisme rétrograde du trajet à partir de l’orifice interne.
Il ne faut jamais créer de faux trajet, en particulier par un cathétérisme « forcé », par l’orifice externe.
– Le dernier temps est le traitement du trajet principal transsphinctérien et il dépend de la quantité de muscle intéressée par la fistule :
– en cas de fistule transsphinctérienne inférieure, la mise à plat se fait en un temps, fistulectomie par dissection-exérèse jusqu’à la crypte responsable ou fistulotomie par section du trajet sur un stylet ;
– en cas de fistule transsphinctérienne supérieure ou suprasphinctérienne, il faut dans un premier temps mettre en place une anse de drainage souple dans le trajet ; le deuxième temps opératoire a lieu après 2 ou 3 mois et consiste à mettre à plat le trajet.
– Les éventuels diverticules sont mis à plat sur pince de Leriche lors du premier temps opératoire.
S’il est associé à une fistule haute (transsphinctérienne supérieure ou suprasphinctérienne), le diverticule intramural est schématiquement mis à plat vers l’intérieur s’il intéresse la partie « interne » de la couche longitudinale, ou vers l’extérieur s’il intéresse la partie « externe » de la couche.
Restent à évoquer quelques cas particuliers :
– les fistules intersphinctériennes sont traitées par une mise à plat vers l’ampoule rectale ou par la technique du lambeau tracteur en cas de trajet fibreux ;
– trois temps opératoires sont nécessaires pour le traitement d’une fistule en « fer à cheval », espacés de 2 ou 3 mois ; le premier temps consiste en l’exérèse du trajet jusqu’au plan musculaire avec mise en drainage souple du trajet principal et du passage controlatéral qui est mis à plat lors d’un deuxième temps ; le dernier temps met à plat le trajet principal.

3- Fissure infectée :
C’est la deuxième cause (4 %) des suppurations prenant naissance dans le canal anal.
La douleur est déclenchée par les selles et est souvent modérée, sauf en cas d’abcès.
Il peut s’y associer un prurit secondaire à l’écoulement.
L’examen découvre une ulcération habituellement postérieure, souvent associée, à l’extérieur, à un capuchon mariscal et, dans le canal anal, à une papille hypertrophique, réalisant au maximum un aspect de pseudopolype hémorroïdaire.
Cette ulcération laisse sourdre une goutte de pus au déplissement des plis radiés.
Il peut exister un abcès rectal sous-muqueux ou un trajet fistuleux sous-fissuraire superficiel prenant naissance au sein de la fissure et s’extériorisant par un orifice externe cutané.
La surinfection contre-indique une anesthésie sphinctérienne ou une injection sous-fissuraire.
Le traitement est chirurgical et consiste en la dissection-exérèse en bloc de la lésion au bistouri électrique.

4- Glandes sous-pectinéales :
Elles sont mal connues et leur fréquence (0,7 %) est certainement sousestimée.
Elles sont presque exclusivement situées au niveau de la marge antérieure et s’ouvrent par un micro-orifice endocanalaire situé nettement en dessous de la ligne pectinée.
Il existe parfois un prolongement de cette suppuration vers l’espace intersphinctérien.
Nous ne ferons que citer, pour mémoire, les suppurations d’origine susanale qui sont traitées ailleurs.
Il s’agit des localisations anopérinéales de la maladie de Crohn, des fistules rectovaginales d’origine obstétricale ou iatrogène, de cancer à forme fistuleuse et d’abcès à corps étranger ou survenant après sclérose hémorroïdaire.
Dans cet article, nous avons exposé rapidement les manifestations proctologiques les plus fréquentes, dont le diagnostic, le plus souvent facile, repose sur un examen clinique avec anuscopie, ce qui reste à la portée de tout omnipraticien un peu exercé.
 

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