Neuropathies douloureuses

Cours de Neurologie

Définition :
La définition des neuropathies douloureuses est arbitrairement large, réunissant toute sensation anormale survenant au cours de toute neuropathie, avec cependant quelques réserves.

« Toute sensation anormale » signifie d’abord toute sensation spontanée à caractère désagréable ou insolite englobant les termes très variés habituellement répertoriés dans les questionnaires d’évaluation pluridimensionnelle de la douleur : battements, élancements, décharges électriques, piqûres, pincement, broiement, tiraillement, tension mais aussi picotements, fourmillements, prurit, sensations thermiques, chaleur, brûlures, froid, engourdissement, lourdeur.

Sont également prises en compte les douleurs provoquées :
– l’allodynie, perception douloureuse d’un stimulus normalement indolore ;
– l’hyperalgésie, exagération d’une sensation douloureuse ;
– l’hyperpathie, exacerbation douloureuse insupportable et angoissante déclenchée par divers stimuli somesthésiques ;
– la causalgie (du mot grec causos : brûlure), sensation de brûlure permanente exagérée par toute stimulation ;
– l’érythermalgie, brûlure douloureuse exagérée par la chaleur et améliorée par le froid.
« Toute neuropathie » indique que le concept de neuropathie douloureuse s’étend à toute polyneuropathie, non seulement sensitive, en particulier la forme dite « à petites fibres », mais aussi sensitivomotrice ou autonome, primitive ou secondaire.

En revanche, ne sont pas retenues dans ce cadre, en raison de leur spécificité, les douleurs des mononeuropathies, des plexopathies, des radiculopathies.
La douleur consécutive à une lésion d’un nerf périphérique peut apparaître un paradoxe puisque cette lésion, interrompant théoriquement les influx sensitifs, devrait entraîner une hypoalgésie.
Cependant, la réalité de tels phénomènes demande une explication faisant intervenir des modifications profondes de la nociception.
Des conceptions nouvelles sont nées, dont un des intérêts est le développement de thérapeutiques antialgiques modernes s’ajoutant aux médicaments anticonvulsivants et antidépresseurs traditionnels.
La terminologie est parfois complexe et mal définie.
Certains, dans un but de simplification, distinguent d’une part les douleurs d’intensité anormale induites par un stimulus normalement algogène et les classent comme hyperalgésie, d’autre part les douleurs déclenchées par un stimulus normalement non douloureux (tactile par exemple) : ce sont les allodynies.
Cependant, les diverses nomenclatures ne sont pas standardisées, ce qui peut être la source d’erreurs dans l’interprétation physiopathologique.
Ainsi se dessine l’hétérogénéité sémiologique, étiologique et aussi physiopathologique des neuropathies douloureuses.

Leur étude est justifiée par leur fréquence, la difficulté du diagnostic, leur caractère rebelle avec cependant l’espoir de possibilités thérapeutiques de plus en plus étendues.

Physiopathologie :
La douleur neuropathique dépend de modifications siégeant aussi bien sur le système nerveux périphérique que sur le système nerveux central.
Les perturbations de l’excitabilité des afférences nociceptives sont le principal facteur chez l’homme de neuropathie douloureuse chronique.
Les douleurs survenant indépendamment de tout stimulus et la plupart des hyperalgésies sont réduites ou abolies par des blocs anesthésiques sur le nerf périphérique mais persistent après bloc des afférences myélinisées non nociceptives.
D’un autre côté, les modifications du système nerveux central sont à l’origine de divers types d’hyperalgésies mécaniques.
La stimulation électrique des fibres myélinisées non nociceptives de grand calibre cause des dysesthésies douloureuses.
De même, la douleur évoquée suit les fibres myélinisées rapides.
Ainsi, de légers stimuli mécaniques, activant uniquement les mécanorécepteurs, sont souvent perçus comme douloureux et l’activation des fibres Ab agit sur un système nerveux central sensibilisé.

A – MÉCANISMES PÉRIPHÉRIQUES :
Les fibres myélinisées de petit calibre et les fibres amyéliniques afférentes lésées deviennent le siège d’une sensibilité anormale et d’une activité progressive.
Les anomalies surviennent dans des zones différentes : la région lésée siège d’un névrome, le ganglion rachidien dorsal, les terminaisons sensitives projetant dans le nerf lésé.
L’altération des canaux sodium paraît le point de départ de l’hyperactivité.
Le canal sodium embryonnaire de type III serait réexprimé dans les neurones sensitifs après axotomie chez l’animal adulte.
La méthode de patch clamp met en évidence des modifications des courants sodium après axotomie, ce qui pourrait être à l’origine d’une hyperexcitabilité.
Par ailleurs, les canaux sodium résistant à la tétrodotoxine seraient redistribués dans les neurones sensitifs nociceptifs, ce qui pourrait avoir des incidences thérapeutiques.
La redistribution des canaux résistant à la tétrodotoxine jouerait un rôle important dans la neuropathie douloureuse, la zone lésée étant le point de départ d’influx ectopiques.
D’ailleurs, diverses études ont prouvé que les décharges ectopiques des neurones sensitifs altérés peuvent être réduites par blocage des canaux sodium (sensibles ou insensibles à la tétrodotoxine), sans bloquer les conductions axonales.
Il est également possible qu’une diminution de la conductance du potassium contribue à l’augmentation d’excitabilité des neurones sensitifs altérés. Les substances pro-inflammatoires, les cytokines, le tumor necrosis factor a peuvent déclencher des décharges ectopiques sur les neurones sensitifs.
Chez l’animal, les catécholamines excitent les neurones sensitifs nociceptifs ou non nociceptifs dans le nerf périphérique ou le ganglion rachidien postérieur.
Ceci pourrait rendre compte d’une composante sympathique dans le maintien de la douleur.
L’étude électrophysiologique des ganglions rachidiens postérieurs après section montre une hypersensibilité du soma cellulaire aux catécholamines.
Les études de patch clamp montrent des courants cationiques déclenchés par la noradrénaline ou des courants potassiques pouvant contribuer à une excitation sensitive.
La noradrénaline réduirait la conductance potassique sensible au calcium après suppression du courant type N du canal calcium.
D’autres mécanismes neurophysiologiques peuvent augmenter la décharge de neurones sensitifs altérés : le contact éphaptique entre axones lésés entraînant des décharges électriques entre les axones ; l’after discharge croisée (crossed after discharge) entre axones démyélinisés de grand calibre avec activation des neurones dans les ganglions rachidiens postérieurs par excitation de neurones voisins.
Cet effet est sans doute dû à une concentration accrue de potassium extracellulaire ; enfin, dans les lésions nerveuses focales, une accumulation de mécanorécepteurs peut être responsable du signe de Tinel.

B – MÉCANISMES CENTRAUX :
Diverses douleurs trouvent leur origine dans le système nerveux central, par exemple les douleurs par simple frôlement cutané.
Expérimentalement, on connaît la plasticité importante des cornes postérieures de la moelle lors de douleurs persistantes.
Normalement, une stimulation brève des nocicepteurs entraîne une activation de courte durée des cornes postérieures.
Cette activation se produit par l’intermédiaire des acides aminés excitateurs, particulièrement du glutamate.
Deux types de récepteurs ionotropiques de glutamate sont présents dans la région postsynaptique, les récepteurs de l’a-amino, 3-hydroxy, 5-méthylisoxazole-4 propionic acid (AMPA) et du N méthyl-Daspartate (NMDA).
Après excitation brève des nocicepteurs, le glutamate est libéré et crée une dépolarisation postsynaptique par l’intermédiaire des récepteurs AMPA.
Une excitation prolongée active une cascade d’événements à l’origine d’une augmentation de transmission synaptique et de dépolarisation prolongée des cellules postsynaptiques.
À stimulation plus intense, la substance P est libérée par les fibres nociceptives afférentes.
Elle dépolarise un nombre important de cellules en bloquant les canaux potassium par l’intermédiaire des récepteurs de neurokinine 1 qui appartiennent au groupe de récepteurs couplés à sept protéines transmembranaires, parallèlement à la dépolarisation due aux récepteurs AMPA.
Ceci aboutit à l’élimination des blocs magnésium des récepteurs NMDA, ce qui permet alors au glutamate de générer des courants importants vers les récepteurs de glutamate.
La sensibilité des récepteurs de glutamate peut également être modulée par phosphorylation grâce à divers mécanismes, en particulier l’activation de protéine kinase C, de tyrosine kinase ou de récepteur de facteur neurotrophique dérivé du cerveau.
Du fait de la complexité de ces transmetteurs agissant en parallèle dans la transmission synaptique des nocicepteurs, on ne peut éliminer ces mécanismes centraux par simple blocage des récepteurs NMDA.
Une surrégulation de l’isoforme a de la protéine kinase est à l’origine de modifications importantes de la corne postérieure.
Cette surrégulation s’accompagne chez l’animal de troubles comportementaux dus à l’hyperalgésie et d’une résistance à l’analgésie par opiacés, fréquente en clinique au cours des neuropathies douloureuses.
De plus, les lésions des nerfs périphériques causent des modifications structurelles de la corne postérieure pouvant éventuellement entraîner une désinhibition ou des connexions synaptiques anormales.
Chez l’animal, des neurones pycnotiques de la corne postérieure pourraient témoigner de lésions des interneurones inhibiteurs.
De telles modifications sont évitées par blocage d’une enzyme nucléaire réglant la toxicité induite par le glutamate.
Un autre mécanisme central est la prolifération (sprouting) des terminaisons des mécanorécepteurs dans la zone superficielle de la corne postérieure.
Cette prolifération pourrait être le point de départ de nouveaux contacts synaptiques avec des neurones centraux et pourrait expliquer les douleurs par frôlement cutané.
On sait d’ailleurs que les lésions des afférences nociceptives amyéliniques sont responsables d’une prolifération centrale de fibres Ab intactes.
Une diminution du transport rétrograde de substances neurotrophiques comme le nerve growth factor ou le facteur neurotrophique dérivé de cellules gliales est probablement en cause dans les modifications structurales précédentes.
Les cas de douleurs postherpétiques comportent ce type d’anomalies structurales.
Toutefois, dans des cas différents, le mécanisme de sensibilisation centrale serait plus le fait d’une stimulation par les nocicepteurs afférents que d’une réorganisation structurelle permanente.

Sémiologie :
A – DOULEURS DES NEUROPATHIES :
Les douleurs des neuropathies, symptômes sensitifs « positifs », sont les unes spontanées, les autres provoquées.
Les paresthésies sont décrites comme des impressions de picotements, de fourmillements, d’eau qui coule survenant spontanément, sans stimulation des récepteurs sensitifs terminaux (comme le prouve la survenue de paresthésies distales après garrot chez les amputés).
Elles sont plutôt la conséquence de décharges spontanées ectopiques dans le tronc nerveux.
Les paresthésies ischémiques provoquées par garrot, qui augmente l’excitabilité des axones périphériques, varient dans le temps : d’abord sensations thermiques transitoires, puis impressions de vibration, d’engourdissement, de pseudocrampes, enfin sensation de picotements qui persistent longtemps.
La microneuronographie recueille des décharges spontanées dans le tronc nerveux et non dans les récepteurs.
Les paresthésies sont souvent symétriques, prédominant dans la partie distale des membres inférieurs, s’étendant également aux extrémités supérieures.
Les divers symptômes sensitifs spontanés distaux sont habituellement décrits comme une sensation d’engourdissement des mains et des pieds, souvent qualifié de déficit moteur, avec impression de peau recouverte d’une membrane, d’un voile ou de gants.
L’impression de marcher sur du coton ou sur des éponges est souvent signalée.
Souvent, des dysesthésies et des paresthésies avec impression de brûlure des mains et des pieds (burning feet) sont ressenties.
Les troubles sensitifs distaux sont le plus souvent prédominants sur les membres inférieurs.
Ils sont particulièrement marqués au cours des polyneuropathies nutritionnelles ou alcooliques et chez les diabétiques.
La répartition parfois proximale des troubles sensitifs, en particulier au cours de la porphyrie ou de la maladie de Tangier, s’explique mal, qu’il s’agisse d’une atteinte polyradiculaire ou que les fibres sensitives de grand calibre qui innervent les régions proximales aient une susceptibilité particulière.
Cette dernière notion ne s’applique pas à la maladie de Tangier au cours de laquelle les fibres de petit calibre sont électivement lésées.
Des douleurs parfois violentes sont présentes au cours de certaines neuropathies sensitives.
Elles sont de type et de siège variés suivant la topographie de l’atteinte nerveuse et suivant l’affection en cause.
Elles sont particulièrement intenses chez les diabétiques, au cours de la maladie de Fabry, des polyneuropathies du thallium ou des substances adhésives.
L’origine exacte de la douleur au cours des polyneuropathies est mal connue.
Parfois liée à la perte de contrôle des fibres de grand calibre, elle est souvent secondaire à une altération des fibres de petit calibre (A, delta et C), par exemple au cours de l’amyloïdose.
Dans d’autres cas, au cours des neuropathies diabétiques, nutritionnelles ou alcooliques, elle est la conséquence de décharges aberrantes venues de bourgeons nerveux de régénération.
L’irritation et l’oedème du nerf rendent compte des douleurs des neuropathies inflammatoires. Les compressions ont un effet mécanique direct tandis que la causalgie résulte de lésions partielles d’un gros tronc nerveux contenant des fibres autonomes.
Les douleurs fulgurantes sont moins fréquentes dans les polyneuropathies que dans le tabès ou la névralgie trigéminale.
Les impatiences des membres inférieurs sont fréquentes dans certaines circonstances, en particulier chez les diabétiques.
Elles sont surtout le témoin du syndrome des jambes sans repos.
Une autre variété de symptôme n’a pas une signification sensitive pure.
Il s’agit des crampes qui sont secondaires à une activité électrique excessive et comportent une composante motrice.
Elles sont fréquentes au cours des neuropathies périphériques, plus fréquentes dans les neuropathies génétiques que dans les neuropathies acquises.
Les douleurs provoquées, c’est-à-dire créées ou exacerbées par des stimulations, sont de types variés.
Outre les paresthésies ischémiques précédemment signalées, la causalgie, en général post-traumatique, est une impression de brûlure cuisante du pied ou de la main.
La douleur est exacerbée par toutes les stimulations, qu’elles soient mécaniques, thermiques ou purement psychiques, telles qu’une lumière brutale, une émotion.
Elle est calmée par l’application de compresses froides et humides.
Le sujet immobilise son membre involontairement.
Ceci est en partie à l’origine de troubles vasomoteurs et trophiques.
La peau devient luisante, des sueurs importantes et malodorantes se produisent ainsi qu’une décalcification osseuse.
Parmi les hyperalgésies thermiques, l’érythromélalgie, parfois révélatrice de certaines neuropathies, est définie par la survenue d’accès de brûlures atroces, exagérés par la chaleur, durant quelques minutes à quelques heures.
La coexistence d’une rougeur n’est pas constante, ce qui explique qu’un certain nombre de patients soient considérés comme purement névrotiques.

B – TYPES ANATOMOCLINIQUES :
1- Neuropathies à fibres de petit calibre :
Les fibres de petit calibre (A, delta et C) et de conduction lente véhiculent la sensibilité douloureuse, à côté d’influx autonomes.
Elles s’opposent ainsi aux fibres de grand calibre et de conduction rapide.
À partir de cette distinction se séparent les polyneuropathies communément dites « à petites fibres », au cours desquelles prédominent des troubles (avec ou sans douleurs spontanées) de la sensibilité thermoalgique, et celles « à grosses fibres », marquées par des troubles de la sensibilité au tact et à la pression, du sens de position, de la sensibilité vibratoire, avec ataxie sensitive et aréflexie.
Les formes douloureuses des neuropathies à petites fibres sont aussi bien d’origine génétique qu’acquise.
Des douleurs parfois violentes sont particulièrement fréquentes dans les neuropathies diabétiques, au cours de la maladie de Fabry, des polyneuropathies du thallium ou des substances adhésives ou encore de l’amyloïdose.
Il n’est pas exceptionnel au cours des neuropathies sensitives de voir se développer, même dans des formes d’intensité modérée, de véritables accès douloureux en relation avec une atteinte des fibres de petit calibre.
Ces accès sont faits de douleurs lancinantes entrecoupées d’exacerbations.
L’intensité en est variable, parfois elle est considérable, parfois elle est modérée.
La recrudescence nocturne est habituelle : l’allodynie est fréquente.
L’évolution se fait à rythme également variable.
Les accès douloureux sont parfois susceptibles de durer plusieurs heures, quelques jours ou même quelques semaines. Ils s’intriquent de façon paradoxale sur un fond d’indolence.
On sépare, parmi les formes idiopathiques, les formes chroniques progressives, au cours desquelles les douleurs prédominant sur le pied sont à l’origine d’erreur de diagnostic, surtout orthopédique, et, plus rares, des formes aiguës généralisées.
L’hypoesthésie va de pair avec les douleurs.
Comme pour les symptômes, la topographie des signes est électivement distale.
Si l’atteinte des petites fibres se manifeste parfois par une hyperpathie au tact ou à la piqûre par diminution du seuil douloureux, plus souvent l’atteinte des petites fibres se traduit par une hypoesthésie à la piqûre ou par une hypoesthésie thermique.

L’analyse de cette dernière comporte l’étude de la sensibilité au chaud et l’étude de la sensibilité au froid. L’étude de la sensibilité thermique au chaud nécessite l’application d’un tube à 40 °C, celle de la sensibilité au froid l’application d’un tube à 30 °C.

Lorsqu’elle est de distribution lombosacrée, une dissociation sensitive de type syringomyélique, faite d’une hypoesthésie thermodouloureuse respectant les sensibilités tactile, vibratoire et arthrocinétique, est évocatrice d’une syringomyélie basse mais il est communément admis qu’elle témoigne en réalité d’une neuropathie sensitive héréditaire.

Parfois, la topographie de cette dissociation pseudosyringomyélique s’étend au tronc, aux bras et même à la face au cours de certaines neuropathies familiales comme l’amyloïdose, l’analgésie congénitale, la maladie de Riley-Day, la maladie de Tangier.

Dans des cas exceptionnels, une anesthésie globale s’étend à l’ensemble du corps.
Une complication sévère et tardive des hypoesthésies thermodouloureuses et de l’analgésie distale est un trouble trophique.
Les brûlures ou les gelures, n’étant pas ressenties, sont à l’origine de modifications souvent importantes de la peau et des tissus sous-jacents.
L’hyperhémie réflexe normale est perturbée, ce qui perturbe également la réponse normale des tissus à l’infection.
La peau devient fine et lisse, les ongles striés et cassants, les tissus sous-cutanés épaissis.
Le membre est chaud et rouge si les fibres autonomes sont lésées.
Un mal perforant plantaire, un panaris analgésique sont fréquents.
Une conséquence encore plus grave est la survenue d’altérations ostéoarthropathiques avec déformations importantes, fractures spontanées, infection secondaire.
Les lésions radiologiques, souvent considérables, sont faites à la fois d’un processus destructeur et d’un processus constructeur.
L’installation des altérations articulaires est souvent insidieuse. Le début se fait à l’occasion d’un traumatisme minime.
Il est marqué par une ampoule suivie d’une ulcération.
Celle-ci, de forme arrondie ou irrégulière, est en général peu étendue mais peut creuser profondément le tégument.
Le fond de la lésion est le plus souvent sanieux ; parfois il est bourgeonnant ; parfois il est recouvert d’une croûte noirâtre d’aspect verruqueux.
Les ulcérations siègent essentiellement dans la région de la tête du premier et du cinquième métatarsiens ainsi qu’au talon et à l’extrémité des doigts.
Des déformations osseuses et articulaires apparaissent progressivement.
Elles aboutissent souvent à des modifications très importantes des pieds et à des mutilations.
Un tassement de l’avant-pied se constitue, dû à une dislocation du tarse.
Les orteils sont déformés. Le pied est raccourci, élargi et épaissi.
Il prend l’aspect classique du pied cubique. Les troubles trophiques les plus importants s’observent au cours de la maladie de Thévenard et de neuropathies diabétiques.
Les vitesses de conduction nerveuse sensitive sont diminuées ou effondrées.
L’amplitude des potentiels sensitifs est réduite.
Le seuil thermique est anormal, de même que le seuil sudoromoteur.
La biopsie nerveuse montre essentiellement une raréfaction des fibres myélinisées de petit calibre et des fibres amyéliniques.
La biopsie cutanée est plus récemment utilisée dans les neuropathies douloureuses, par prélèvement d’un très petit fragment n’entraînant pas de troubles sensitifs.
La diminution des fibres épidermiques, terminaison des petites fibres des ganglions et des racines postérieures, colorées par anticorps au PGP (protein gene product) s’observe notamment dans les neuropathies diabétiques ou sont dues à l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
Ce type de biopsie est particulièrement utile dans les formes douloureuses distales sévères isolées.

2- Pied douloureux isolé :
Le syndrome du pied douloureux isolé, témoin d’une neuropathie sensitive, est marqué d’un contraste entre les douleurs violentes des extrémités et le peu de modifications cliniques et électrophysiologiques.
Dans ces cas, la biopsie des fibres épidermiques, méthode non invasive, est particulièrement utile dans les syndromes de pied brûlant ou neuropathie sensitive idiopathique à petites fibres.
Elle est souvent la seule indication objective de la neuropathie.
De même, dans une grande série de neuropathies douloureuses sans signes objectifs, la biopsie des fibres épidermiques a prouvé dans 38 % des cas la réalité d’un processus neuropathique.
L’évolution générale des douleurs dans les formes à petites fibres est variable selon la cause.
Les formes douloureuses sont parfois régressives.
D’autres fois, elles sont particulièrement rebelles, en particulier dans les formes à prédominance nocturne. Lorsque des troubles trophiques sévères s’installent, l’évolution est en général progressive et invalidante.

3- Autres types de neuropathies douloureuses :
* Syndrome des jambes sans repos :
Défini par un besoin impérieux de bouger en raison de sensations désagréables, le syndrome des jambes sans repos occupe une place à part et ne doit pas être confondu avec les neuropathies sensitives.
Il comporte une sensation désagréable d’impatiences, prédominant sur les membres inférieurs, à prédominance nocturne.
L’impression anormale n’est habituellement pas franchement douloureuse, encore que certaines variétés douloureuses soient parfois décrites.
La sensation désagréable provoque habituellement un besoin impérieux de mouvement qui est à l’origine de la sédation des troubles.
Le syndrome des jambes sans repos décrit par Ekbom est connu sous d’autres dénominations telles que anxiété tibiale, leg jitters, syndrome des jambes remuantes, paresthésies agitantes nocturnes des membres inférieurs.
Ces troubles sont d’une extrême fréquence, en particulier lorsque leur intensité est modérée.
Ils s’expriment essentiellement par des impatiences siégeant entre les genoux et les chevilles, s’étendant parfois aux pieds, parfois aux cuisses, beaucoup plus rarement aux membres supérieurs.
Les sensations anormales sont à la fois superficielles et profondes, les descriptions des patients souvent malaisées et variées : impression de chaleur, de rampements, de démangeaison.
La répartition est habituellement bilatérale et symétrique ; parfois elle est alternante ou prédomine d’un côté. Une caractéristique essentielle est l’apparition au repos.
De ce fait, les impatiences sont rares dans la journée. Parfois, elles surviennent à la fatigue.
Le plus souvent, elles se produisent lors de l’endormissement, en général 5 à 30 minutes après le coucher.
Elles obligent le sujet à la mobilité.
En effet, les jambes ne peuvent être conservées immobiles et le sujet est forcé d’aller et de venir sans arrêt, de se lever irrésistiblement.
En général, les troubles s’améliorent après quelques mouvements.
Le chaud et le froid n’ont aucun effet favorisant, bien que, dans certains cas, le chaud déclenche les impatiences qui n’apparaissent parfois que lors d’un épisode fébrile.
Il est beaucoup plus rare que des douleurs véritables accompagnent les impatiences.
L’examen ne met habituellement en évidence aucun signe objectif ; parfois existent quelques varicosités et les ongles sont cassants.
L’évolution est chronique, sur plusieurs années.
Les troubles sont habituellement très rebelles.
La résonance magnétique fonctionnelle met en évidence une activation du cervelet et du thalamus controlatéraux.
Les causes du syndrome des jambes sans repos sont variées.
Le diabète est à rechercher en premier. Plus rarement, il s’agit d’anémie et de déficit ferrique.
Ces formes sidéropéniques seraient fréquentes pour Ekbom.
D’autres étiologies parfois invoquées sont une gastrectomie, une affection cancéreuse, une infection, des troubles veineux, des troubles métaboliques.
La grossesse est une cause relativement fréquente.
Les impatiences apparaissent habituellement vers le second trimestre de la gestation.
Elles sont en rapport avec des facteurs hormonaux. Une autre étiologie fréquente des syndromes des jambes sans repos qui ne doit pas être méconnue est iatrogène.
Il s’agit des syndromes apparaissant au cours d’un traitement neuroleptique, phénothiazines et surtout butyrophénones.
En fait, les formes essentielles sont les plus fréquentes. Elles sont dans 20 % des cas héréditaires et rattachées à une transmission de type autosomique dominant.
Souvent, aucune étiologie précise n’est mise en évidence si ce n’est un facteur névrotique, un conflit, une dépression masquée.
Les examens complémentaires sont en général normaux.
Des altérations électromyographiques modérées et des diminutions très discrètes des vitesses de conduction nerveuse sont en faveur d’une neuropathie périphérique fruste.
Si l’on excepte les thérapeutiques étiologiques, par exemple en cas de déficit martial, la thérapeutique est essentiellement symptomatique.
Le syndrome des jambes sans repos réagit peu aux analgésiques.
Parfois, il est favorablement influencé par les sédatifs et les myorelaxants, les dopaminergiques, les opioïdes, les benzodiazépines. Spontanément, l’évolution est entrecoupée de périodes de rémission.
Le syndrome de Spillane, d’origine probablement périphérique par atteinte des fibres afférentes, associe des mouvements involontaires et irréguliers des orteils et des douleurs profondes des jambes, uniou bilatérales.
Certaines formes de syndrome de Spillane seraient secondaires au diabète ou à une neuropathie par isoniazide.
L’étude des mouvements périodiques montre la coexistence fréquente, dans 80 % des cas, de mouvements périodiques du sommeil.
La résonance magnétique fonctionnelle montre dans ces cas, en plus de l’activation du cervelet et du thalamus hétérolatéraux, une activation du noyau rouge et du tronc cérébral parallèle aux mouvements anormaux.

* Érythromélalgie ou érythermalgie :
Due à une vasodilatation artériocapillaire active, la douleur brûlante s’accompagne d’élévation de la température cutanée et évolue par accès de quelques minutes, de quelques heures ou de quelques jours, principalement en période estivale.
La rougeur est inconstante, ce qui fait parfois méconnaître une origine organique.
La douleur est température-dépendante, calmée par le froid, l’élévation du membre, l’aspirine. Une étiologie est à rechercher systématiquement, en particulier chez des sujets âgés, avec atteinte unilatérale, asymétrique.
Les causes les plus fréquentes sont les affections myéloprolifératives (polyglobulie, hyperplaquettose, leucémie myéloïde chronique) précédées parfois pendant plusieurs années par l’érythromélalgie.
Dans ces cas, les lésions vasculaires sont faites de gonflements de l’endothélium, d’épaississement de l’intima et d’occlusion vasculaire.
D’autres causes sont l’insuffisance veineuse, les connectivites, certains médicaments (bromocriptine, nifédipine).
Les formes primaires, parfois familiales, surviennent chez des jeunes, sont bilatérales et symétriques, épargnent souvent les orteils, sont très douloureuses et peu sensibles à l’aspirine.
L’origine serait un dysfonctionnement des terminaisons nerveuses autonomes dont la densité en acétylcholine et en catécholamines est diminuée.

* Neuropathies sympathiques douloureuses :
À côté des neuropathies autonomes douloureuses, un certain nombre de douleurs sont supposées en relation avec une atteinte du système nerveux sympathique.
Le système sympathique, voie efférente, ne transmet pas théoriquement à l’état physiologique de message douloureux.
Le terme de sympathalgie est donc abusif.
Cependant, dans certaines conditions pathologiques, des réactions adaptatives se produisent à l’intérieur ou par l’intermédiaire du système sympathique.
De plus, des arguments indirects sont en faveur de son rôle au cours d’états douloureux : coexistence de manifestations cliniques vasomotrices notamment distales, effets antalgiques d’infiltrations locales du sympathique, de sympathectomies ou de l’administration de guanéthidine et de drogues sympathicolytiques.
Une assimilation totale serait simpliste car ces actions sont inconstantes.
Aucune preuve définitive de l’intervention du sympathique dans la douleur n’a été apportée.
Il s’agit donc d’une implication possible, mais non établie.
C’est essentiellement au cours d’atteintes nerveuses périphériques, algoneurodystrophie ou causalgie, que la participation du système sympathique dans les phénomènes douloureux est soupçonnée.
Dans ces cas, les relations entre axones sympathiques postganglionnaires et afférences sensitives se conçoivent selon les hypothèses suivantes :
– libération chimique de noradrénaline stimulant les afférences sensitives par un effet alpha-adrénergique ;
– transmission éphaptique de contact entre axones sympathiques et fibres sensitives ;
– modifications focales dues à la libération de noradrénaline vasoconstrictive pré- et postcapillaire, à la libération de peptides vasoactifs (substance P) par les terminaisons sensitives, à l’effet local des mastocytes relâchant de l’histamine, à l’influence de la température et de l’état métabolique ; ainsi se créent une vasodilatation et une extravasation stimulant les fibres de petit diamètre ; ces modifications du micromilieu sont amplifiées par une hypersensibilité des vaisseaux qui réagissent de façon excessive aux conditions thermiques et à la catécholamine ;
– libération de prostaglandines dans la région présynaptique due à une action présynaptique de la noradrénaline, cette hypothèse ne reposant toutefois que sur des arguments pharmacologiques.
Aucun de ces mécanismes n’est privilégié et il est vraisemblable que le système sympathique influence les afférences sensitives par des voies multiples.
En outre, les décharges anormales envoient des informations erronées à la moelle épinière à l’origine de réflexes anormaux dans les neurones spinaux sympathiques innervant les tissus périphériques.
Ceci crée une sorte de sensibilisation centrale à l’origine de réactions pathologiques sensitives et autonomes.
Dès lors, des stimuli normalement indolores entraînent des réactions douloureuses dépendant d’une innervation sympathique normale.
Le terme de « douleur entretenue par le sympathique » (sympathetically maintained pain) correspond à une hyperalgésie avec allodynie consécutive à un traumatisme local et améliorée par infiltration sympathique (donc différente des douleurs « indépendantes » du sympathique non calmées par infiltrations sympathiques).
Cette définition est ainsi basée sur une sensation subjective exprimée par le patient.
Ce type de douleur serait lié à l’activité des afférences causant une activité tonique dans des neurones à grand éventail dynamique (wide dynamic range) antérieurement sensibilisés.
Il n’est toutefois pas prouvé chez l’homme que ces neurones interviennent dans la médiation de la douleur.
Quant aux douleurs après sympathectomie, elles surviennent, dans un quart des cas, 1 à 2 semaines après l’intervention, localisées plutôt autour de la zone dénervée qu’à son intérieur et accompagnées d’une hypersudation paradoxale.
La douleur est profonde avec hyperesthésie.
Elle se localise particulièrement à la face antérieure de la cuisse, après sympathectomie lombaire ou après chirurgie de la fourche aortique.
Elle siège plus rarement au membre supérieur après sympathectomie cervicothoracique.
Le mécanisme de ces sympathalgies est inconnu. Une explication pourrait être une sorte d’hypersensibilité de dénervation, secondaire à une lésion concomitante des afférences sensitives, à une libération de neuropeptides.
La carbamazépine est efficace.
Paradoxalement, les infiltrations sympathiques amélioreraient les douleurs après chirurgie de la bifurcation aortique.

Variétés selon l’étiologie :

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