Syndromes immunoprolifératifs
Syndromes immunoprolifératifs
Les syndromes immunoprolifératifs regroupent les proliférations malignes touchant les cellules impliquées dans les phénomènes immunologiques. Ils peuvent réaliser des affections aiguës ou chroniques, ces dernières ne s’observant que chez l’adulte. Le lymphocyte B ou T peut être touché à différents stades de différenciation; habituellement les cellules les plus immatures correspondent aux maladies les plus graves. Le fait que ces affections touchent des cellules immunocompétentes explique qu’en dehors de symptômes liés à la prolifération cellulaire l’on puisse également constater des anomalies cliniques ou biologiques directement liées à la fonction «normale» des cellules en cause: ainsi dans le myélome multiple, caractérisé par une prolifération de cellules plasmocytaires qui à l’état physiologique synthétisent les anticorps, il existe des anomalies qualitatives et quantitatives des anticorps du sérum.
Monoclonalité et état de différenciation des cellules leucémiques dans les syndromes immunoprolifératifs Comme la majorité des tumeurs malignes ou bénignes, les cellules qui prolifèrent chez un malade donné appartiennent toutes au même clone cellulaire, c’est-à-dire sont issues d’une seule cellule ayant subi le(s) événement(s) conduisant à la transformation maligne. Ce fait a été démontré par des études cytogénétiques, enzymatiques et immunologiques. La synthèse d’immunoglobulines (Ig) homogènes (monoclonales) représente un très remarquable marqueur clonal. Les immunoglobulines produites dans une affection donnée peuvent être étudiées au niveau du sérum lorsqu’elles sont sécrétées en quantité suffisante (cas du myélome multiple ou de la macroglobulinémie de Waldenstrِm), ou bien au niveau cellulaire (immunoglobulines de membrane). En tous les cas, les molécules produites sont identiques d’une cellule à une autre de la prolifération: elles possèdent les mêmes chaînes légères ou lourdes d’Ig et, surtout, la région variable de ces chaînes (définissant le site anticorps propre à une Ig donnée) est identique; ce dernier caractère se traduit par une communauté antigénique dite idiotypique entre les différentes molécules d’Ig. Très rarement les proliférations touchant la cellule B sont oligoclonales; il est alors possible de mettre en évidence dans le sérum plusieurs immunoglobulines monoclonales.
Dans de nombreux syndromes immunoprolifératifs, les cellules leucémiques semblent figées à un stade donné de la maturation de la cellule B ou T. Ce concept a été élaboré lors de l’étude des leucémies lymphoïdes chroniques; ces dernières correspondent dans la majorité des cas à des proliférations monoclonales de lymphocytes B dont la maturation vers le plasmocyte est arrêtée à un stade donné de différenciation. Ainsi des immunoglobulines de membrane (le plus souvent IgM et IgD) sont présentes à la même densité sur toutes les cellules leucémiques (cette densité est habituellement inférieure à celle de lymphocytes B normaux) et l’on n’observe pas de plasmocytes synthétisant des immunoglobulines partageant des idiotypes avec les Ig de surface des cellules leucémiques. Dans la macroglobulinémie de Waldenstrِm, par contre, la population lymphoïde est polymorphe et comporte lymphocytes et plasmocytes; l’immunoglobuline monoclonale (IgM) présente dans le sérum témoigne de l’activité de synthèse du dernier type cellulaire.
Syndromes immunoprolifératifs touchant les cellules B
Les leucémies aiguës lymphoblastiques correspondent dans 80 p. 100 des cas à la prolifération de cellules B immatures. Ce n’est que dans un tout petit nombre de cas que les cellules synthétisent des immunoglobulines décelables à leur membrane (cellules ayant atteint le stade du lymphocyte B immature). Plus souvent, l’origine B des cellules leucémiques est reconnue par la présence de chaînes lourdes d’immunoglobulines dans leur cytoplasme (cellules immatures dites pré-B) ou par l’expression d’antigènes précoces de différenciation de la lignée B. Les gènes codant pour les immunoglobulines subissent dans ce type de leucémie les réarrangements observés lors de la maturation de la cellule B normale.
La leucémie lymphoïde chronique est fréquente après cinquante ans; il s’agit presque toujours d’une prolifération de lymphocytes B synthétisant des IgM (et IgD) à leur membrane; ces cellules se développent dans la moelle osseuse, le sang, la rate, les ganglions. L’évolution de la leucémie lymphoïde est fréquemment marquée par des complications immunologiques: diminution de l’immunité humorale et, à moindre degré, cellulaire, cytopénies auto-immunes (globules rouges ou plaquettes).
Les lymphomes peuvent toucher adultes et enfants. Ils se développent habituellement à partir de cellules ganglionnaires dont les plus caractéristiques sont des cellules situées dans les follicules du ganglion (zone où se trouvent à l’état normal les cellules B). Ces cellules possèdent des caractères morphologiques (cellules clivées) et immunologiques particuliers. D’autres lymphomes (immunoblastiques) ont une évolution beaucoup plus grave. Le lymphome de Burkitt mérite une place à part en raison du rôle pathogène possible du virus d’Epstein-Barr, de sa distribution géographique (notamment en Afrique), enfin du fait des remaniements chromosomiques propres à cette affection et caractérisés par une translocation affectant le chromosome 8 et le chromosome 14, 2 ou 22.
Le myélome correspond à la prolifération de plasmocytes, c’est-à-dire des cellules les plus mûres de la lignée B. Les plasmocytes dystrophiques envahissent la moelle osseuse, créant des lacunes osseuses.
Plus rarement, les cellules de la prolifération lymphoïde sécrètent exclusivement des chaînes légères (myélome) ou des Ig de structure anormale (maladies des chaînes lourdes).
Syndromes immunoprolifératifs touchant les cellules T
20 p. 100 des leucémies aiguës lymphoblastiques de l’enfant correspondent à la prolifération de cellules T immature (phénotype antigénique semblable à celui des différentes populations du thymus normal); ces leucémies sont caractérisées par une hyperleucocytose, une tumeur médiastinale et la gravité de leur évolution. Les leucémies lymphoïdes chroniques d’origine T de l’adulte sont très rares; les sarcomes T ont une architecture diffuse et une évolution grave. Dans ces dernières affections les cellules malignes ont un phénotype de cellules T mûres et peuvent posséder certaines capacités fonctionnelles. Le syndrome de Sézary (et l’affection apparentée, le mycosis fungoïdes ) est caractérisé par une hématodermie et la présence dans le sang de cellules T dont le noyau est particulièrement irrégulier.
Certaines variétés d’hémopathies lymphocytaires T (de rares cas de syndrome de Sézary et la majorité des leucémies T observées au Japon ou dans les Caraïbes) semblent liées à une infection par un rétrovirus récemment décrit (HTLV pour human T leukemia virus ).