Uro-Nephrologie
Cancer de la prostate
Epidémiologie: Le diagnostic de cancer de la prostate est porté dans 95 % des cas entre 45 et 89 ans (âge médian : 72 ans).
Il s’agit du cancer le plus fréquent chez l’homme, devant le cancer du poumon.
L’augmentation de l’incidence s’explique par le vieillissement de la population et de nouvelles stratégies diagnostiques.
Il est au second rang en terme de mortalité par cancer après le cancer du poumon.
L’augmentation de la mortalité par cancer de la prostate s’explique par l’allongement de l’espérance de vie.
Les facteurs de risque reconnus sont : l’âge, avec augmentation de l’incidence à partir de 50 ans ; une histoire familiale de cancer de la prostate car le risque relatif augmente avec le nombre de collatéraux atteints ; la race, avec une incidence faible chez les Japonais et les Chinois, intermédiaire chez les Blancs américains, importante chez les Noirs américains.
Les facteurs de risque supposés sont:
- l’alimentation, notamment les régimes riches en graisse, hypercalcémie
- l’environnement hormonal avec le rôle important des androgènes dans le développement de la prostate normale, mais qui n’est pas élucidé en tant que facteur de risque spécifique du cancer.
Un dépistage individuel est préconisé, basé sur le toucher rectal et le dosage de l’antigène spécifique de la prostate (PSA), une fois par an, à partir de 50 ans.
Il ne s’agit pas d’un dépistage de masse comme cela a pu être proposé dans le cancer du sein.
Diagnostic : de plus en plus de cancers sont diagnostiqués à un stade précoce. cependant, environ 30 à 40 % des cancers sont métastatiques d’emblée.
A – Clinique :
1- Signes fonctionnels : ils sont absents à un stade précoce. à un stade localement avancé, il peut exister des signes de prostatisme, une hémospermie, une diminution du volume de l’éjaculat, une impuissance. à un stade métastatique, il s’agit le plus de souvent de douleurs osseuses prédominant sur le rachis et les grosses articulations, parfois de douleurs lombaires dues à une urétéro-hydronéphrose, ou de troubles du transit par envahissement rectal.
2- Signes généraux : ils apparaissent au stade métastatique avec altération de l’état général, anorexie, perte de poids, anémie, ictère.
3- Signes physiques : l’examen physique repose sur le toucher rectal : il recherche un nodule ; une induration ; une asymétrie entre les 2 lobes ; un envahissement des sillons latéroprostatiques, de l’apex, de la base ; un blindage pelvien.
toute anomalie du toucher rectal, quel que soit le résultat du dosage de l’antigène spécifique de la prostate, doit conduire à la réalisation d’une ponction-biopsie de la prostate, mais un toucher rectal normal ne permet pas d’éliminer un cancer de la prostate.
Les cancers détectés au toucher rectal sont, dans plus de 50 % des cas, localement avancés (stade extracapsulaire).
Le reste de l’examen clinique recherche des signes de maladie localement évoluée ou métastatique : douleurs osseuses provoquées, douleurs d’origine rénale, oedème des membres inférieurs voire thrombose veineuse profonde par compression pelvienne, hépatomégalie, adénomégalie.
B – PSA ( Antigène spécifique de la prostate ) : c’est l’enzyme sécrétée par l’épithélium prostatique et les glandes para-urétrales, responsable de la liquéfaction du sperme, sa demi-vie est de 48 à 72 h, sa normale est inférieure à 4 ng/mL dans le sang (dosage radio-immunologique Tandem Hybritech).
Il s’agit d’un marqueur spécifique de la prostate mais non du cancer.
Il s’élève dans l’hyperplasie bénigne de la prostate, la prostatite aiguë, le cancer de la prostate, mais aussi lors de la réalisation de biopsies, de manoeuvres endoscopiques, d’un sondage.
Un délai minimal de 3 à 6 semaines est proposé en cas d’épisode infectieux ou de manoeuvres instrumentales, avant de pratiquer un dosage.
Le toucher rectal élève le PSA de manière non significative, n’interférant pas avec l’interprétation du résultat.
En revanche, le PSA peut être diminué par certains traitements de l’hypertrophie bénigne de prostate utilisant les inhibiteurs de la 5-a-réductase (finastéride), d’où des difficultés dans son interprétation.
Le PSA présente une meilleure valeur prédictive positive que le toucher rectal dans la détection du cancer de la prostate.
Il augmente le taux de découverte de lésions confinées à la glande (tumeur intracapsulaire).
Il doit toujours être associé au toucher rectal, leur couplage fournissant la meilleure rentabilité diagnostique.
L’indication de ponction-biopsie de prostate est formelle pour un PSA > 10, elle est fortement préconisée pour des taux > 4.
Cependant, pour des valeurs de PSA entre 4 et 10 ng/mL, afin d’améliorer le taux de détection et de diminuer le nombre de ponctions-biopsies de prostate inutiles, il est proposé d’utiliser comme aide diagnostique :
• un PSA ajusté à l’âge : il prend en compte de manière indirecte l’augmentation du PSA liée à l’augmentation du volume prostatique ;
• une cinétique d’évolution du PSA : l’augmentation rapide du PSA est en faveur d’une pathologie maligne (croissance supérieure à 0,75 ng/mL/an avec 3 mesures sur 18-24 mois) ;
• une densité de PSA : rapport PSA sur volume prostatique total afin de distinguer hypertrophie bénigne de prostate et cancer de prostate (approximativement, 1 g d’adénome produit 0,3 ng/mL de PSA et 1 g de cancer 10 fois plus soit 3 ng/mL) ;
• un PSA libre : dosage sérique de la forme libre du PSA non liée aux protéines porteuses et rapport du PSA libre sur le PSA total.
Un rapport PSA l/t supérieur à 0,25 est en faveur d’une pathologie prostatique bénigne.
C – Ponction-biopsie de prostate et anatomopathologie :
Le diagnostic d’adénocarcinome de la prostate (99 % des cas) est affirmé par l’histologie qui établit également un score de Gleason, addition du grade des 2 populations cellulaires tumorales majoritaires.
Le grade varie de 1 à 5, de bien à peu différencié.
Le score de Gleason varie lui de 2 à 10 (2-4 = bien, 5-7 = moyennement, 8-10 = peu différencié).
Dans moins de 10 % des cas, il s’agit d’une découverte sur pièce opératoire, d’adénomectomie par voie haute ou copeaux de résection transurétrale de prostate, pour hypertrophie bénigne de prostate (stades T1a, T1b).
Le plus souvent, l’histologie repose sur la réalisation de ponctions-biopsies de prostate effectuées par voie transrectale sous contrôle échographique endorectal.
Les indications de ponction-biopsie de prostate sont : un toucher rectal anormal et (ou) un PSA > 4 ng/mL.
D – Bilan d’extension :
Il repose sur des paramètres cliniques, biologiques, histologiques et radiologiques.
Il permet de classer la lésion [classification TNM (tumor-node-metastasis) 97].
1- Toucher rectal :
Il apprécie le stade clinique mais de manière imparfaite sousévaluant le stade pathologique : 20 à 50 % des lésions T2 sont en fait des pT3.
2- Antigène spécifique de la prostate :
Le PSA est corrélé au stade de la maladie mais son utilisation à l’échelon individuel ne permet pas une classification exacte.
On retiendra :
• PSA < 4 ng/mL : 80 % des lésions sont intracapsulaires ;
• PSA < 20 ng/mL : risque < 1 % de scintigraphie osseuse positive, chez les patients porteurs d’un cancer de la prostate non traité, en l’absence de douleurs osseuses ;
• PSA > 50 ng/mL : métastases ganglionnaires présentes dans 75 % des cas ;
• les phosphatases acides prostatiques sont peu utilisées aujourd’hui car non spécifiques de la prostate.
Leur élévation signe en général un cancer métastatique.
En dehors d’un éventuel bilan préopératoire, le bilan biologique peut nécessiter : numération formule sanguine, ionogramme sanguin, bilan hépatique, testostérone, examen cytobactériologique des urines (ECBU).
3- Ponction-biopsie de prostate :
Un stade extracapsulaire peut être suspecté sur les paramètres biopsiques (nombre de carottes envahies > 2, atteinte de la graisse périprostatique).
Un score de Gleason > 7 signe une lésion évoluée et de mauvais pronostic.
4- Échographie endorectale :
Elle permet parfois de suspecter une extension extracapsulaire.
5- Imagerie par résonance magnétique (IRM) par sonde endorectale : cet examen vise à apprécier l’extension locale : franchissement capsulaire, envahissement des vésicules séminales.
6- Tomodensitométrie pelvienne : elle recherche des adénopathies suspectes locorégionales mais possède une mauvaise sensibilité.
7- Échographie abdominale : elle permet l’évaluation du haut appareil urinaire et du foie.
8- Radiographie pulmonaire : elle est indispensable lors du bilan préopératoire ou en cas de maladie évoluée.
9- Scintigraphie osseuse : elle recherche des foyers d’hyperfixation, évocateurs de métastases osseuses.
Le plus souvent négative pour des PSA < 10 ng/mL, elle se justifie pour certains comme document de référence dans le cadre de la surveillance ultérieure.
Elle peut être complétée par des clichés simples centrés sur les zones suspectes à la recherche de foyers ostéolytiques ou ostéocondensants.
Évolution : le cancer de la prostate naît dans 75 % des cas dans la zone périphérique et dans 25 % des cas dans la zone de transition.
Les lésions sont multifocales. L’évolution locale entraîne le franchissement de la capsule (passage d’un stade intra- à un stade extracapsulaire, donc d’une lésion localisée à une lésion évoluée) et l’atteinte des vésicules séminales.
L’évolution régionale se fait vers l’envahissement ganglionnaire (premier relais : chaîne ilio-obturatrice). Les sites métastatiques les plus souvent atteints sont par ordre de fréquence : ganglion, os, poumon, foie, surrénale.
La période d’évolution d’un stade purement local à un stade métastatique en l’absence de traitement à visée curative est de 10 à 15 ans, selon notamment le degré de différenciation cellulaire.
La médiane de survie des patients présentant un cancer de la prostate métastatique est de 2 à 3 ans.
Les facteurs pronostiques cliniques du cancer de la prostate sont, en cas de lésion localisée, le stade clinique, le grade histologique et le PSA initial.
Si une prostatectomie radicale est réalisée, les facteurs les plus importants sont le stade pathologique, le score de Gleason, la présence de marges positives et le volume tumoral.
En cas de cancer métastatique, les facteurs pronostiques corrélés au délai de progression et à la survie sont : l’index de performance, le nombre de foyers métastatiques, les douleurs osseuses, l’anémie, le taux de phosphatases alcalines.
Traitement et prise en charge du Cancer de la prostate