ANEVRISME AORTIQUE

Définition: Dilatation de l’aorte avec perte du parallélisme de ses bords. Les anévrismes abdominaux sont 2 fois plus fréquents que les anévrismes thoraciques. L’atteinte aortique est très fréquente, par rapport aux autres artères, du fait de la grande fréquence de l’athérome aortique qui est l’étiologie principale. L’évolution constante en taille et vers la fissuration nécessite une prise en charge multidisciplinaire.

Epidemiologie :

  • Génétique facteurs héréditaires peuvent être incriminés dans certaines formes d’athérome précoces ou dans la maladie de Marfan
  • Âge de prédilection: 60-70 ans pour les anévrismes athéromateux ; Enfant: sur malformation congénitale ou syphilis congénitale
  • Sexe de prédilection: 4 fois plus fréquents chez l’homme

Étiologie:

  1. Athérome (95%); les anévrismes sont consécutifs à des hémorragies pariétales secondaires à la rupture de plaques d’athérome.
  2. Infection: syphilis tertiaire (thoraciques ou partie haute de l’aorte abdominale), bactéries (endocardites, salmonelloses, mycobactéries …)
  3. Anévrismes inflammatoires (surtout thoraciques): polyarthrite rhumatoïde, spondylarthopathies, maladie de Horton, maladie de Takayasu, polychondrite chronique atrophiante, maladie de Behçet, anévrismes inflammatoires primitifs idiopathiques ou associés à une fibrose rétropéritonéale
  4. Anévrismes sur anomalie congénitale: méga-dolicho-artère, maladie de Marfan, Ehlers-Danlos, coarctation aortique
  5. Anévrismes traumatiques

Facteurs de risque: Pour l’athérome:

Hypertension artérielle Hypercholestérolémie, taux élevés de lipoprotéines de basse densité, taux bas de lipoprotéines de haute densité Athéromatose précoce familiale Tabagisme Diabète sucré Obésité Sexe masculin Sédentarité Âge

Symptomatologie:

  1. Formes non compliquées – Fréquente latence clinique (découverte systématique dans un bilan d’athérome ou par une imagerie demandée pour une autre raison) – Douleur inconstante avec accalmies, sourde, lancinante, de tous types – Anévrismes thoraciques: double foyer de battement systolique, souffle systolique inconstant, abaissement systolique de la trachée – Anévrismes abdominaux: masse battante (70%) médiane ou gauche, ovoïde, bien limitée, peu mobile, indolore, expansive, pulsatile, fréquemment soufflante
  2. Complications: compressions, fissuration et rupture, embolie

Diagnostic différentiel: • Anévrisme thoracique – Aorte déroulée, aorte en bouclier – Tumeurs médiastinales – Dissection aortique – Anévrismes du tronc brachio-céphalique ou de l’artère pulmonaire • Anévrisme abdominal non compliqué – Une masse au contact de l’aorte peut être battante mais non expansive. – Tumeur gastrique, colique, pancréatique – Aorte perceptible chez un sujet maigre, neurotonique ou athéromateux • Rupture d’anévrisme abdominal – Infarctus mésentérique – Pancréatite aiguë nécrotique – Infarctus du myocarde – Dissection aortique .

Anatomie pathologique:

  1. Aspect: le plus souvent fusiformes, rarement cylindro-sacciforme (syphilis) ; Paroi fibreuse, disparition de la structure habituelle, thrombose intrasacculaire constante; la paroi peut être épaisse, ou mince (homme, dolicho-méga-artères) avec risque accru de fissuration.
  2.  Topographie: (les anévrismes peuvent atteindre plusieurs segments)
    1. Segment 0: anévrismes du sinus de Valsalva, souvent congénitaux, souvent asymptomatiques et découverts lors de la rupture (péricarde, cavités cardiaques), parfois associés à d’autres malformations cardiaques
    2. Segment 1: aorte ascendante (site privilégié des anévrismes syphilitiques et des anévrismes des maladies inflammatoires), souvent associés à une insuffisance aortique, rupture privilégiée dans le péricarde
    3. Segment 2: segment horizontal, rupture dans la trachée ou le médiastin
    4. Segment 3: aorte thoracique descendante (le plus souvent athéromateuse), compression privilégiée de l’œsophage, du canal thoracique, des nerfs récurrents, phréniques ou pneumogastriques; risque de paraplégie par atteinte de l’artère d’Adamkiewicz, rupture habituelle dans l’œsophage, la plèvre gauche, une bronche gauche – Rares formes thoraco-abdominales, pouvant s’étendre au tronc cœliaque
    5. Segment 4: anévrismes sus-rénaux (rares et de traitement chirurgical difficile)
    6. Segment 5: anévrismes sous-rénaux (signe de De Backey: on peut glisser la main entre le bord supérieur de l’anévrisme et le rebord costal)

Les examens complementaires :

  1. Radiographie de thorax: tumeur médiastinale faisant corps avec l’aorte quelle que soit l’incidence, parfois cerclée de calcifications; signes de compression sur la trachée, l’œsophage, un corps vertébral ou une côte; le caractère vasculaire peut être apprécié en scopie
  2. Abdomen sans préparation de face et de profil – Opacité alvéolaire mal limitée, calcifications dessinant le contour artériel – Retentissement sur les organes voisins (3èmeduodénum, corps vertébraux, rein gauche)
  3. Échographie cardiaque transpariétale: augmentation du diamètre, écartement systolique
  4. échographie abdominale: examen clé à l’étage abdominal, délimite l’anévrisme et son épaisseur
  5. Tomodensitométrie aortique souvent nécessaire
  6. Aortographie, idéalement par voie humérale ou axillaire, ne visualise que le chenal, souvent étroit, le sac anévrismal étant obstrué par un caillot; apprécie la situation précise par rapport aux différents axes et avec le lit d’aval. • Retentissement sur les voies urinaires évaluable par l’urographie intraveineuse, et sur le duodénum par le transit baryté gastroduodénal

Traitement :Mesures générales: Contre-indication des endoscopies thoraciques en cas d’anévrisme thoracique ; traiter la constipation . Hospitalisation pour la chirurgie

  1. Bilan du terrain (car très fréquent athérome diffus pouvant compliquer la prise en charge, notamment pour une chirurgie lourde); certaines localisations athéromateuses devront être prise en compte, et parfois avant l’anévrisme aortique.
  2. Traitement essentiellement chirurgical, généralement mise à plat – greffe prothétique : L’indication opératoire est formelle quand l’anévrisme est symptomatique ou > 6 cm ; La chirurgie peut être récusée quand l’anévrisme est petit chez un sujet âgé et/ou en cas d’association à une tare somatique majeure.

Complications:

I – Compression (selon le siège de l’anévrisme)

  1.  Veine cave supérieure: syndrome cave supérieur
  2. Trachée, bronche souche gauche: toux, dyspnée d’effort ou de posture, atélectasie du poumon gauche ; Bronche souche droite ou artère pulmonaire droite en cas d’anévrismes de l’aorte ascendante
  3. Compression du canal thoracique: œdème des membres inférieurs et du membre supérieur gauche ( syndrome de Ménétrier )
  4. Nerf récurrent gauche: voix bitonale
  5. Sympathique thoracique: syndrome de Claude-Bernard-Horner
  6. 3ème ou 4ème duodénum: nausées, vomissements, anorexie, dyspepsie
  7. Haut appareil urinaire: colique néphrétique, hydronéphrose
  8. Veine cave inférieure: œdème ou thrombose veineuse des membres inférieurs
  9. Racines lombaires: lombalgies, sciatalgies

II – Thrombose in situ Symptomatologie variable selon le type anatomique et le type de collatérales obstruées: claudication d’un membre supérieur, accident vasculaire cérébral, paraplégie en cas d’atteinte de l’artère d’Adamkiewicz, infarctus mésentérique ou claudication digestive, ischémie aiguë d’un membre inférieur … – Apparition plus progressive: syndrome de Leriche, ischémie intestinale • Embolie distale (même remarque)

III – Rupture: mortelle dans 80% des cas :

  1. Crise fissuraire, rare, annonce la rupture: douleur, variation tensionnelle, signes de choc
  2. Dans le péricarde: hémopéricarde avec tamponnade mortelle
  3. Dans les bronches: hémoptysie
  4. Dans la plèvre (surtout à gauche): hémothorax
  5. Dans le médiastin
  6. À la peau (très rare) sus-sternale ou intercostale
  7. Dans le péritoine: hémopéritoine suraigu, le plus souvent immédiatement fatal
  8. Dans le rétropéritoine: hématome rétropéritonéal, plus fréquent: douleurs intenses, choc, ecchymose du flanc ou de l’aine parfois visible; l’évolution est parfois plus lente.
  9. Dans une veine (veine cave inférieure, veine rénale gauche): fistule artério-veineuse – Dans le tube digestif (3ème duodénum): hématémèse – Dans l’uretère: exceptionnellement

IV – Surinfection (surtout par les salmonelles), accélérant l’évolution de l’anévrisme: symptomatologie d’endocardite

Évolution et pronostic:

  1. Évolution spontanée inéluctable vers l’augmentation de volume en diamètre et en longueur
  2. Survie dans un cas sur deux en cas de chirurgie effectuée après rupture
  3. Complications de la chirurgie : Lâchage de suture ; Ischémie per ou post-opératoire (membres inférieurs, paraplégie, côlon)
  4. Décompensation du terrain polyartériel (accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde …)
  5. Risque de récidive anastomotique sur les berges de la prothèse

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