Maladie de Stargardt
Ophtalmologie  

Conduite à tenir devant Dystrophies héréditaires de la macula

Dystrophies héréditaires de la maculaMaladie de Best (dystrophie maculaire vitelliforme) Maladie de StargardtDystrophie progressive des cônesRétinoschisis maculaire lié à l’XDystrophie réticuléeDrusen dominants

Maladie de Stargardt

Décrite en 1909 par Stargardt, cette atteinte maculaire se révèle dès l’enfance et conduit rapidement à une perte de la vision centrale avec un champ visuel périphérique conservé.
La perte de l’acuité visuelle survient classiquement entre 7 et 12 ans.
Le syndrome de fundus flavimaculatus décrit par Franceschetti en 1963, qui débute par des taches blanc jaunâtre dites flavimaculées, avant l’apparition de la maculopathie, est d’apparition souvent plus tardive.

A – ASPECTS GÉNÉTIQUES :

Le mode de transmission le plus fréquent est autosomique récessif, dans plus de 90 % des cas.
Les formes à transmission autosomique dominante sont plus rares et il n’existe pas de formes liées à l’X.
Il faut donc rechercher la notion d’une consanguinité parentale à l’interrogatoire, qui oriente vers une transmission autosomique récessive et peut aider au conseil génétique.

Le gène de la maladie de Stargardt, dans ses formes classiques et dans ses formes à début tardif, a été localisé sur le bras court du chromosome 1, en 1p21- p13, par Kaplan en 1993.
Ce gène a ensuite été identifié par Allikmets en 1997 et nommé ABCR.
Il s’agit d’un gène de la famille ABC (ATP-binding transporter gene) codant pour des protéines transmembranaires impliquées dans le transport énergiedépendant de nombreux substrats au travers de membranes cellulaires.

En travaillant sur cette superfamille de gènes, il est apparu que l’un d’entre eux était exprimé exclusivement sur la rétine, le retina specific ABC (ABCR).
Ce gène est impliqué dans la maladie de Stargardt, mais aussi dans des formes de rétinite pigmentaire ou de cone-rod dystrophy.
De plus, il a été suggéré que certaines mutations à l’état hétérozygote puissent constituer des facteurs de prédisposition génétique pour la DMLA.
La protéine ABCR, spécifique des photorécepteurs, est impliquée dans le transport transmembranaire des rétinoïdes.
La protéine mutante donne lieu à une accumulation de N-rétinylidène-PE dans les segments externes des photorécepteurs.
Le A2-E, sous-produit du N-rétinylidène-PE, s’accumule dans les cellules de l’épithélium pigmentaire rétinien et est toxique pour ces dernières.
Il semble que les photorécepteurs meurent secondairement, suite à l’atteinte de l’épithélium pigmentaire rétinien.
Il existe une autre localisation chromosomique, en 6q11-q15, qui correspond au gène ELOVL4, spécifique des photorécepteurs.
Ce gène est impliqué, de façon moins prépondérante, dans quelques formes de maladie de Stargardt à transmission autosomique dominante.

B – HISTOLOGIE :
Il existe très peu d’études anatomopathologiques contributives, hormis celle de Klein et Krill, qui ont analysé une rétine atteinte de syndrome de fundus flavimaculatus sur un oeil énucléé après un traumatisme.
Ils ont conclu à la présence de dépôts d’acide mucopolysaccharidique (acide hyaluronique).
Eagle et al retrouvaient peu de coloration positive d’acide hyaluronique, mais surtout une accumulation massive de lipofuscine (qui est composée de A2-E) dans les cellules de l’épithélium pigmentaire.

C – ASPECTS CLINIQUES :
Dans sa forme classique, la maladie se manifeste entre l’âge de 8 et 12 ans par une baisse de l’acuité visuelle centrale.
Paradoxalement, l’enfant se déplace parfaitement et il se peut même qu’il reconnaisse certains détails.
À ce stade initial, l’examen du fond d’oeil est souvent normal.
Se pose alors le diagnostic différentiel avec une simulation devant une plainte fonctionnelle subjective et un examen ophtalmoscopique normal.
Il ne faut pas hésiter à répéter l’examen ophtalmologique car les lésions apparaissent le plus souvent en quelques mois.
L’examen de la vision des couleurs révèle un axe deutan (rouge-vert), ce qui est exceptionnel pour les atteintes maculaires héréditaires et contribue donc au diagnostic.
À un stade plus évolué, la dyschromatopsie devient anarchique.
Le champ visuel périphérique reste normal tout au long de l’évolution de la maladie. ¦

1- Examen du fond d’oeil :
À l’examen du fond d’oeil, la macula est peu ou non modifiée au début de la maladie de Stargardt.
En quelques mois, on distingue une perte du reflet fovéolaire et un aspect granité de l’épithélium pigmentaire.
Cet aspect est parfois décrit dans la littérature comme « aspect vermillon », « aspect dépoli » ou encore en « bave d’escargot ».
Ces lésions évoluent ensuite vers une atrophie de l’épithélium pigmentaire parafovéolaire, classiquement ovale.
Des taches blanchâtres dites flavimaculées, ou encore appelées flecks, peuvent être observées discrètement autour de la fovea, plus à distance autour de l’aire maculaire, ou encore plus loin au pôle postérieur ou en périphérie rétinienne.
Elles sont très polymorphes, arrondies, fusiformes, lancéolées, pisciformes, géantes, en ailes de papillon ou encore en X (dystrophie flavimaculée en X de Puech).
Elles apparaissent en relief, à limites bien définies, blanc jaunâtre.
Plus tard, en quelques années, ces taches flavimaculées se désagrègent, sont moins en relief, ont des contours moins bien limités, prennent une coloration plus grisâtre et laissent place à des altérations de l’épithélium pigmentaire.
Au stade final de l’évolution de la maladie de Stargardt, il n’existe qu’une vaste plage d’atrophie choriorétinienne centrale.

Les taches flavimaculées sont difficilement individualisables à ce stade.

2- Angiographie à la fluorescéine :
Sur le cliché monochromatique en lumière verte, les taches flavimaculées sont bien visibles, ainsi que l’atrophie maculaire centrale. Ces taches ne disparaissent pas sur les clichés en lumière bleue, à la différence du dépôt de matériel vitelliforme.
Le cliché en lumière rouge permet de visualiser des plages d’atrophie choriorétinienne maculaires profondes.
Un cliché en autofluorescence doit être réalisé en cas de suspicion de maladie de Stargardt.
Il permet de démontrer le caractère autofluorescent des taches blanches flavimaculées.
La séquence angiographique fluorescéinique est particulièrement contributive pour porter le diagnostic de maladie de Stargardt, avec une triade sémiologique.

  1. Maculopathie en « oeil de boeuf » :
    Il s’agit sans doute du signe le plus fréquent à la phase d’état de la maladie.
    Elle correspond à une alternance de trois zones en « cible », dites en « cocarde », qui sont :
    – une hypofluorescence centrale par effet de masquage, liée à la présence du pigment xanthophylle ;
    – une hyperfluorescence en couronne par effet fenêtre, liée aux altérations de l’épithélium pigmentaire ;
    – une hypofluorescence relative en deuxième couronne, par effet de contraste avec la couronne hyperfluorescente.
    Cette maculopathie n’est pas spécifique de la maladie de Stargardt ; elle peut être observée dans plusieurs autres pathologies, telles que la dystrophie des cônes, l’intoxication aux antipaludéens de synthèse, le syndrome de Bardet-Biedl, certaines mitochondriopathies, le syndrome de Hallervorden-Spatz, etc.

    Elle ne représente pas non plus un critère obligatoire pour le diagnostic de maladie de Stargardt ; les atteintes de l’épithélium pigmentaire étant cliniquement hétérogènes, la couronne d’hyperfluorescence en angiographie à la fluorescéine l’est donc également.
  2. « Silence choroïdien » :
    Ce terme désigne une raréfaction de la visibilité du pommelé choroïdien avec aspect sombre de la choroïde.
    Ce silence choroïdien correspond à un effet masque par accumulation diffuse de lipofuscine dans l’épithélium pigmentaire.
    Il s’associe à une accentuation de la visibilité des fins vaisseaux rétiniens et de leurs ramifications.
    Cet aspect est quasi pathognomonique dans ce contexte.
    Il n’est pas toujours bien visible au pôle postérieur de la rétine en raison des multiples altérations de l’épithélium pigmentaire qui laissent place à une hyperfluorescence par effet fenêtre.
    Aussi, il faut réaliser des clichés en périphérie rétinienne à la recherche d’un silence choroïdien dès que l’on évoque une dystrophie maculaire de Stargardt.
    Il existe toutefois quelques formes sans silence choroïdien.
    Notons que le silence choroïdien peut ne pas être bien visible au début de l’évolution de la maladie de Stargardt et qu’il peut être difficile à mettre en évidence au stade très tardif si les altérations de l’épithélium pigmentaire sont trop diffuses.
  3. Taches « flavimaculées » :
    Elles se manifestent constamment en angiographie à la fluorescéine par une hypofluorescence par effet masque au début de leur apparition.
    Cette hypofluorescence contraste avec l’hyperfluorescence des bords liée aux altérations de l’épithélium pigmentaire adjacentes.
    Plus tard, lorsque les taches flavimaculées se désagrègent, cet aspect laisse place à une discrète hyperfluorescence inhomogène, à limites mal définies, qui ne correspond plus qu’aux altérations résiduelles de l’épithélium pigmentaire.
    Là encore, on retrouve l’extrême hétérogénéité et le polymorphisme de ces taches : petites ou géantes, périfovéolaires ou diffuses, arrondies ou lancéolées.

3- Angiographie au vert d’infracyanine :
Cet examen est également très contributif pour le diagnostic positif de maladie de Stargardt et doit être réalisé en cas de doute diagnostique.
Il permet en fait de distinguer parfaitement les taches flavimaculées, constamment hypofluorescentes, visibles entre la quinzième et la trentième minute de la séquence angiographique selon les appareils et les techniques d’acquisition d’images.
Lorsque les taches blanches flavimaculées ne sont plus individualisables en angiographie à la fluorescéine à cause de l’hyperfluorescence globale liée aux multiples altérations de l’épithélium pigmentaire, l’angiographie au vert d’infracyanine permet encore de les distinguer avec précision.
Il en est ainsi dans des formes très évoluées de la maladie ; lorsque le patient atteint depuis son enfance consulte à un âge plus avancé, l’angiographie au vert d’infracyanine est souvent le seul examen à pouvoir distinguer des flecks flavimaculés.
De même, dans des formes avec de petits flecks périfovéolaires, l’angiographie au vert d’infracyanine permet d’individualiser les petites taches hypofluorescentes.
Un autre signe contributif est la présence de pin-points, petits points hyperfluorescents en tête d’épingle, localisés préférentiellement sur les bords des taches hypofluorescentes flavimaculées au stade tardif de l’examen.
Ils constituent un aspect dit « granité ».
Une couronne hyperfluorescente péripapillaire a parfois pu être observée chez certains patients.
Sa signification reste inconnue.
Notons également que les appareils d’acquisition confocale d’images permettent de réaliser des clichés en autofluorescence, qui objectivent les taches blanches flavimaculées.

4- Examen en tomographie à cohérence optique :
Cet examen n’est pas utile pour le diagnostic de maladie de Stargardt.
Dans certaines formes de taches flavimaculées géantes, il peut permettre de préciser la localisation de ces taches, en avant du plan de l’épithélium pigmentaire.

5- Électrorétinogramme :
Il est le plus souvent normal au début de la maladie.
En cas de doute, devant une baisse de la vision centrale associée à un aspect en oeil de boeuf en angiographie à la fluorescéine, l’ERG normal permet de faire le diagnostic différentiel avec une dystrophie des cônes.
Ce n’est qu’à un stade plus avancé, lorsque la macula revêt un aspect atrophique, que l’on peut enregistrer une atteinte des cônes.
L’ERG en mode flicker se révèle plus sensible pour détecter de minimes anomalies électrorétinographiques dans la maladie de Stargardt.

D – FORMES DE L’ADULTE :
La maladie peut apparaître plus tardivement dans la vie, entre la deuxième et quatrième décade.
Elle débute alors souvent par l’apparition des taches blanches flavimaculées autour de la macula, sans atrophie centrale et sans baisse de vision centrale.
Il s’agit de la description de Franceschetti en 1963, qui constitue le syndrome de fundus flavimaculatus.
L’évolution est le plus souvent lentement progressive.
Elle se fait vers une atteinte centrale à type d’atrophie de l’épithélium pigmentaire, puis vers une atrophie plus profonde choriorétinienne, entraînant un scotome central.

L’avancée des travaux de biologie moléculaire a permis de démontrer qu’il s’agissait en fait d’une seule et même entité avec la maladie de Stargardt de l’enfant.
Le fundus flavimaculatus et la maladie de Stargardt diffèrent par l’âge d’apparition et la vitesse d’évolution, mais sont toutes deux causées par des mutations sur le gène ABCR.
Il existe également des formes d’apparition très tardive, après l’âge de 55 ans, parfois bien plus tard.
Ces formes posent le problème d’une double définition : celle d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge, et celle d’une dystrophie maculaire de Stargardt.
Ces formes ont été appelées syndrome de fundus flavimaculatus lié à l’âge ou encore dystrophie maculaire de Stargardt liée à l’âge (DMSLA).

Chez ces patients, on observe en effet tous les critères angiographiques de maladie de Stargardt : flecks hypofluorescents et silence choroïdien en angiographie fluorescéinique, et flecks hypofluorescents avec aspect granité hyperfluorescent en angiographie au vert d’infracyanine.

L’évolution se fait vers la constitution de zones d’altérations de l’épithélium pigmentaire dans des zones de dégradation des taches flavimaculées, puis lentement vers la constitution de plages d’atrophie choriorétinienne plus profondes.

Ces dernières sont responsables du scotome central avec perte de la vision centrale et cécité légale.

Il a également été observé des complications néovasculaires sur ces formes d’apparition très tardive de maladie de Stargardt. Sans angiographie, bon nombre de ces cas pourraient être considérés comme de simples dégénérescences maculaires liées à l’âge atrophiques ou exsudatives.

L’analyse du gène ABCR a permis de confirmer que ces formes de dégénérescences maculaires liées à l’âge sont bien apparentées à la maladie de Stargardt.

Il a en effet été retrouvé des mutations stop à l’état hétérozygote, aboutissant à une protéine ABCR tronquée, responsable du phénotype tardif.

E – DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

1- Dystrophie réticulée :
Dans certains cas, particulièrement lorsque la dystrophie apparaît à l’âge adulte, les taches flavimaculées peuvent présenter un aspect confluent ou stellaire.
Cet aspect a été décrit de façon remarquable par Puech sous le nom de dystrophie maculaire en X flavimaculée.
L’hérédité est souvent autosomique dominante.

L’évolution est lente et la rétine prend un aspect plus typique de maladie de Stargardt avec les années, avec dispersion diffuse de taches flavimaculées, silence choroïdien, etc.
Ces formes sont également liées au gène ABCR.
C’est dans cet aspect que la maladie de Stargardt peut poser le problème du diagnostic différentiel avec une dystrophie réticulée.
Les antécédents familiaux, la présence d’un silence choroïdien ou l’évolution spontanée peuvent aider à départager entre ces deux entités.

2- Dystrophie des cônes :
Une baisse de la vision centrale avec une maculopathie en oeil de boeuf bilatérale chez un sujet jeune peut correspondre indifféremment à une dystrophie des cônes ou à une maladie de Stargardt.
À l’interrogatoire, il faut tout d’abord éliminer l’hypothèse d’une intoxication aux antipaludéens de synthèse.
En faveur de la dystrophie des cônes, on retient une forte photophobie, une perte de l’épaisseur fovéolaire en OCT, mais surtout une atteinte sévère des cônes à l’ERG.
En faveur d’une maladie de Stargardt, on recherche attentivement un silence choroïdien et la présence de taches flavimaculées.
Au besoin, on s’aide d’une angiographie au vert d’infracyanine pour identifier ces taches flavimaculées et un aspect granité.

3- Rétinite ponctuée albescente :
Il s’agit en fait d’une rétinite pigmentaire à laquelle se surajoutent des taches blanches au fond d’oeil.
Ces taches sont peu en relief.
La triade sémiologique à l’examen du fond d’oeil (papille pâle, vaisseaux graciles, dépôts de pigment), associé à l’examen du champ visuel et à l’ERG, permet aisément le diagnostic.
Le pronostic est alors plus sévère, avec une cécité totale à la fin de l’évolution de la maladie.

4- « Flecks » bénins familiaux diffus :
Cette entité, rarement décrite, correspond à l’accumulation de taches blanches, planes, très diffuse sur toute la rétine.
Ces taches confluent progressivement pour donner un aspect tigré à la rétine.
En angiographie à la fluorescéine, on observe tout au plus un aspect poivre et sel diffus.
L’examen du champ visuel et l’ERG sont strictement normaux.
Le patient est asymptomatique et la découverte en est fortuite.
L’évolution est favorable et le patient reste fonctionnellement sain malgré l’aspect impressionnant à l’examen du fond d’oeil.
L’hérédité se fait sur le mode autosomique dominant.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *