Maladies Génétiques
La Dyskinésie Ciliaire Primitive (DCP)
Définitions: La Dyskinésie Ciliaire Primitive (DCP) est une maladie génétique très rare. Elle est transmise par les parents au moment de la conception, et est donc présente dés la naissance : on dit qu’elle est congénitale. Elle touche aussi bien les filles que les garçons. Elle évolue différemment d’un patient à l’autre, et peut être détectée plus ou moins tardivement.
Auparavant, des descriptions de syndromes (comme le syndrome de Kartagener en 1933, puis le syndrome de l’immobilité ciliaire à la fin des années 70) avaient été proposées, mais l’origine des troubles, ainsi que le mode d’expression exact de la maladie n’étaient pas déterminés.
C’est une maladie générale qui touche l’ensemble les organes qui sont dotés de cellules ciliées. Les cils participent normalement au rejet des particules piégées dans le mucus (liquide visqueux qui tapisse la surface de l’organe), en se mouvant de manière synchrone (c’est la battement ciliaire), et en faisant remonter les particules vers l’extérieur : c’est l’épuration muco-ciliaire.
Manifestations respiratoires :
Les cils vibratiles sont présents sur tout le trajet de l’air, du nez, en passant par la trachée jusqu’aux bronches. Lorsque l’on inspire, les poussières et particules sont piégées par les poils du nez, puis par le mucus et les cils qui tapissent la surface du conduit. Le mouvement des cils entraîne les particules inhalées vers le fond de la gorge, puis elles sont dégluties dans l’estomac. Ce drainage naturel et inconscient peut être complété par une activité consciente de mouchage, de toux ou d’éternuement.
Les particules qui ne sont pas filtrées au niveau du nez sont piégées au niveau de la trachée voire des bronches par le mucus visqueux, et sont remontées par le mouvement des cils. Lorsqu’elles arrivent au niveau de la trachée, elles sont ensuite rejetées par la toux, et la déglutition dans l’estomac, ou l’expectoration par la bouche.
Dans la DCP, le mouvement des cils est soit insuffisant, soit absent, ce qui entraîne une stagnation du mucus contenant les particules extérieures, et un encombrement nasal et bronchique. Ces sécrétions peuvent s’infecter, et conduire progressivement à des lésions irréversibles au niveau des poumons telle que la dilatation des bronches ou bronchectasies.
Manifestations ORL: des sinus
Ces cavités communiquant avec le nez, présentent des cils et des cellules sécrétant le mucus.
Lorsqu’elles doivent se vider de leurs impuretés, les sécrétions passent par un très petit orifice communiquant avec le nez.
Dans la DCP, la stagnation des sécrétions, va provoquer une infection des sinus, et la muqueuse, qui va devenir inflammatoire, va boucher l’orifice de drainage. L’inflammation et l’infection des sinus vont donc s’auto entretenir : c’est la sinusite chronique. Elle peut se manifester par des douleurs au niveau du front et/ou sur les côtés du nez, un écoulement nasal quasi-permanent de sécrétions épaisses, voire une obstruction nasale. On observe également parfois une baisse ou absence de l’odorat. Dans certains cas, la muqueuse du nez et des sinus présente des polypes.
Au niveau de l’oreille :
L’oreille moyenne est aussi concernée par l’épuration muco-ciliaire. Elle communique elle aussi avec l’appareil respiratoire par un petit canal appelé trompe d’Eustache. Comme précédemment, il se peut que le canal s’obstrue et qu’on observe une inflammation qui s’entretient : c’est l’otite chronique. Elle peut se manifester par une sensation d’oreille bouchée, avec parfois des douleurs, et une baisse de l’audition.
Le syndrome de Kartagener :
Il est retrouvé dans à peu près 50% des cas de DCP. Il associe une dilatation des bronches, une sinusite chronique et un situs inversus, c’est-à-dire une rotation inverse de tous les viscères thoraco-abdominaux (le coeur est à droite, le foie à gauche, etc.). Ce dernier signe est dû au caractère génétique de la pathologie, et des études embryologiques ont démontré la corrélation entre l’anomalie du battement ciliaire et le situs inversus.
Cas particulier des spermatozoïdes :
La queue des spermatozoïdes, appelée flagelle, contient la même structure que les cils vibratiles du reste de l’organisme, qui crée le mouvement des spermatozoïdes par son battement.
Dans la DCP, ce battement n’est pas efficace, et peut engendrer une stérilité chez l’homme. Néanmoins, les spermatozoïdes sont fécondants s’ils sont introduits dans l’ovocyte de la femme dans le cadre d’une procréation médicalement assistée.
Les variations d’un individu à l’autre :
Tous ces signes ne sont pas retrouvés chez tous les patients atteints de DCP. La moitié ne présentera pas de situs inversus. Dans certains cas, c’est la pathologie sinusienne qui prédominera, pour d’autres, la pathologie pulmonaire, etc.
Il est important de se rendre compte que chaque cas est unique, et ne doit pas être comparé à celui d’un autre patient atteint de DCP.
Des examens spécifiques sont nécessaires pour confirmer le diagnostic. Ils visent à étudier le battement des cils :
Le test à la saccharine : consiste à déposer à l’entrée des fosses nasales quelques particules de saccharine, et à mesurer le temps qu’elles mettent pour arriver dans le pharynx, c’est-à-dire derrière la langue, par l’intermédiaire du transport ciliaire. On mesure le temps qui s’est écoulé entre le moment du dépôt, et celui où le patient éprouve la sensation de goût sucré.
Normalement, la sensation sucrée est ressentie en moins de 20 minutes (la moyenne étant de 10 minutes). Au-delà le test est considéré comme pathologique.
Dans le cas d’une DCP, cette sensation est retardée voire absente.
Ce test présente l’avantage d’être indolore et facile à réaliser, mais il est impraticable chez le tout-petit, et les résultats ne sont pas très spécifiques.
Le prélèvement sous anesthésie locale et l’analyse de cellules ciliées, sont le seul moyen de certifier le diagnostic de DCP.
On étudie ces prélèvements au microscope afin d’analyser et de mesurer le mouvement des cils d’une part (sont-ils immobiles ? y a-t-il un mouvement même faible ?), et leur structure d’autre part (que manque-t-il pour qu’ils fonctionnent correctement ?).
NB : On n’entreprend des recherches génétiques chez un patient que dans le cas où on a bien déterminé les signes cliniques de sa maladie, et le déficit de structure de ses cils vibratiles. Néanmoins, à l’heure actuelle, la détermination de l’anomalie génétique ne permet pas encore le traitement de celle-ci. Ces investigations ne sont pas un outil de diagnostic, mais bien des données recueillies par les chercheurs pour tenter d’approfondir les connaissances sur la DCP.
Prise en charge DCP:
On ne sait pas à l’heure actuelle résoudre la cause génétique de la maladie. Le traitement vise donc à limiter au maximum l’apparition des lésions, notamment au niveau des bronches, en évacuant régulièrement les sécrétions, et en traitant le plus précocement et efficacement possible les épisodes infectieux.
Cela nécessite au quotidien :
La surveillance par les parents ou le patient lui-même selon son âge, et les professionnels de santé de signes évocateurs d’infection, qui doit être combattue le plus vite possible
Une prise en charge quotidienne voire pluriquotidienne en kinésithérapie respiratoire, pour vider le nez et les bronches des sécrétions
Le respect de quelques règles d’hygiène
La surveillance au quotidien :
Il est primordial de rapporter aux professionnels suivant le patient, les changements remarquables qui font évoquer une surinfection. Ces observations des parents ou du patient lui-même, sont reportées dans l’encadré ci-contre.
La mesure du débit expiratoire maximal de pointe (appelée également peak-flow) : elle doit être réalisée tous les jours par le patient, qui souffle le plus fort possible dans un petit appareil. Celui-ci donne instantanément la mesure du débit maximal : plus il est élevé, moins il est encombré. Très simple de réalisation, cette mesure permet d’évaluer l’obstruction des grosses bronches, et participe au suivi quotidien du patient. Cet appareil, peu coûteux, est nécessaire pour évaluer l’état respiratoire du patient.
La kinésithérapie respiratoire quotidienne
Dés que le diagnostic est posé, la kinésithérapie respiratoire doit devenir un acte quotidien. Elle a pour objectif de vider les bronches et le nez des sécrétions afin de limiter les risques d’infection, d’obstruction et de lésion secondaires.
Elle doit être pratiquée par un professionnel, qui, lui aussi, réalisera une surveillance quotidienne du patient.
La technique pulmonaire peut être apprise par les parents dans le cas d’un patient jeune, en attendant que celui-ci puisse apprendre à se drainer lui-même. Dans tous les cas, le lavement du nez par les parents plusieurs fois par jour est indispensable tant que l’enfant n’est pas autonome pour se moucher.
Chez le nourrisson et le petit enfant : le kinésithérapeute procède au lavement des fosses nasales à l’aide d’un sérum physiologique, puis au désencombrement des bronches par la technique de l’Accélération du Flux Expiratoire (AFE) (cf. encadré ci-contre).
Le lavement des fosses nasales au sérum est continué tant que l’enfant ne parvient pas à se moucher seul. Le kinésithérapeute réalisera progressivement une éducation au mouchage, que le patient devra réaliser plusieurs fois par jour en remplacement des lavements. Progressivement, le kinésithérapeute éduquera l’enfant à l’auto-désencombrement, en fonction de sa collaboration.
Chez l’enfant plus grand et l’adulte : le mouchage étant autonome, la séance de kinésithérapie fait office de toilette bronchique. Le patient réalise, en l’absence du kinésithérapeute, d’autres séances de toilette bronchique autonomes.