ACIDOSE TUBULAIRE
ACIDOSE TUBULAIRE
Définition: Ensemble d’anomalies des fonctions tubulaires rénales d’acidification, responsables d’une acidose métabolique hyperchlorémique (sans élévation de la concentration des anions indosés du plasma, avec un débit de filtration glomérulaire conservé ou peu diminué et une excrétion urinaire d’ions H+ qui reste inférieure ou égale à sa production quotidienne). On en distingue trois grands types
Acidose tubulaire distale dite de type I, hypokaliémique, due à l’incapacité pour le rein d’excréter la charge acide quotidienne (anomalie de sécrétion des ions H+ dans le canal collecteur) prédominent chez l’enfant.
Acidose tubulaire proximale dite de type II, hypokaliémique, due à une diminution de la capacité de réabsorption des bicarbonates par le tubule proximal (l’acidose est limitée par les capacités de réabsorption de l’anse de Henle, du tubule distal et du tube collecteur) prédominent chez l’enfant.
Acidose tubulaire dite de type IV, hyperkaliémique, due à une impossibilité d’augmenter la sécrétion urinaire d’ammonium malgré un pH urinaire bas, en général liée à un déficit ou à une résistance à l’aldostérone prédominent chez l’adulte.
Le type III n’est plus considéré comme une entité indépendante.
Facteurs héréditaires:
- Acidoses tubulaires proximales génétiquement transmises: soit primitives pouvant s’intégrer dans un syndrome de Fanconi de transmission autosomique dominante ou récessive avec un diabète phospho-gluco-aminé associé à l’acidose, soit secondaires à une maladie systémique: cystinose, maladie de Wilson, maladie de Lowe, tyrosinose, intolérance héréditaire au fructose, ostéopétrose
- Acidoses tubulaires distales génétiquement transmises: soit primitives, soit secondaires à une maladie systémique: syndrome d’Ehlers-Danlos, maladie de Fabry, elliptocytose héréditaire, drépanocytose
- Acidose tubulaire de type IV: déficits enzymatiques congénitaux (21-hydroxylase, 3 ß-hydroxy-déshydrogénase, desmolase), déficit familial en méthyloxydase
Pathologies associées:
- Hypercalciurie dans les acidoses tubulaires de type I, avec risque de néphrocalcinose ou de lithiases
- Maladie auto-immune dans les acidoses tubulaires de type I ou II de l’adulte
- Syndrome de Fanconi dans les acidoses tubulaires de type II
Étiologie:
1- Acidoses tubulaires proximales
- Primitive: sporadique ou héréditaire
- Maladies systémiques génétiques
- Atteintes rénales: amylose, syndrome néphrotique, syndrome de Gougerot-Sjögren, transplantation rénale, myélome multiple, maladie des chaînes légères
- Médicaments et toxiques: tétracycline périmée, diacromone, plomb, streptozotocine, mercure, cadmium, acétazolamide
2- Acidoses tubulaires distales hypokaliémiques
- Primitive: sporadique ou génétiquement transmise
- Maladies systémiques génétiques
- Maladies auto-immunes: syndrome de Gougerot-Sjögren, lupus érythémateux disséminé, cryoglobulinémie, purpura hyperglobulinémique, hypergammaglobulinémie familiale, cirrhose biliaire primitive, thyroïdite, hépatite chronique active
- Affections avec néphrocalcinose: hyperparathyroïdie primitive, hyperthyroïdie, intoxication à la vitamine D, rein en éponge, hypercalciurie idiopathique, intolérance héréditaire au fructose
- Autres atteintes rénales: pyélonéphrite, uropathie obstructive, lèpre, transplantation rénale, maladie kystique de la médullaire
- Médicaments et toxiques: amphotéricine B, analgésiques, toluène, cyclamate
3- Acidoses tubulaires hyperkaliémiques
- Déficit de l’activité minéralocorticoïde. Sécrétion ou effet périphérique diminué: maladie d’Addison, surrénalectomie bilatérale, déficits enzymatiques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, spironolactone, néphropathie diabétique, néphropathie tubulo-interstitielle, néphroangiosclérose, anti-inflammatoires non stéroïdiens, ciclosporine
- Acidose voltage-dépendante: uropathie obstructive, drépanocytose, transplantation rénale, amiloride, triamtérène, ciclosporine, méthicilline, shunt au chlore, hypovolémie majeure extrarénale
Signes cliniques :
- Retard de croissance
- Nausées, vomissements
- Polyurie
- Déshydratation
- Faiblesse musculaire par fuite potassique
- Hyperventilation pour compenser l’acidose métabolique
- Troubles de la marche et douleurs osseuses dues aux perturbations du métabolisme phosphocalcique dans les acidoses tubulaires de type II
Diagnostic différentiel:
- Acidose respiratoire: PaCO2 et réserve alcaline élevées
- Acidose métabolique avec trou anionique élevé, non hyperchlorémique
- Acidose métabolique des insuffisances rénales chroniques
- Acidose métabolique avec trou anionique plasmatique normal des diarrhées sévères avec perte de bicarbonates dans les selles
Examens complémentaires:
- Gaz du sang artériels: pH normal ou diminué, réserve alcaline et PaCO2 diminuées
- Ionogramme sanguin: hyperchlorémie, calcul du trou anionique: (Cation Na + Cation K) — (Anion HCO3 + Anion Cl). Normal: 16+/–4 mEq/l
- Urée et créatinine plasmatiques pour éliminer une insuffisance rénale chronique
- Ionogramme urinaire: calcul du trou anionique urinaire Cation Na + Cation K — Anion Cl qui reste positif à 30 ou 40 mEq/l
- pH urinaire inapproprié, > 6 dans les acidoses tubulaires distales de type I, approprié < 5,2 dans les acidoses tubulaires de type II et IV
- Hypercalciurie
- Recherche d’une glycosurie normoglycémique, d’une amino-acidurie sans hyper-amino-acidémie et d’une diminution du Tm des phosphates réalisant un syndrome de Fanconi dans certaines acidoses tubulaires proximales
- ECBU à la recherche d’une infection urinaire
- Aldostéronémie et activité rénine plasmatique diminuées dans les acidoses tubulaires de type IV avec hypoaldostéronisme, élevées en cas de résistance à l’aldostérone
- Anatomie pathologique: Anomalies tubulaires et de leur fonction de transport
- Épreuve de surcharge acide par NH4Cl: contre-indiquée lorsque la concentration plasmatique en bicarbonates est inférieure à 20 mmol/l. Normale dans les acidoses tubulaires de type II et IV, elle est anormale avec pH urinaire supérieur à 6 dans les acidoses tubulaires de type II.
- Mesure du Tm des bicarbonates après charge IV en bicarbonates. Diminué (< 24 mmol/l de filtrat glomérulaire) dans les acidoses tubulaires de type II, il est normal dans les acidoses tubulaires de type I et IV.
- Mesure de l’excrétion fractionnelle des bicarbonates après normalisation des HCO3 – plasmatiques: >15% dans les acidoses tubulaires de type II, normale dans les types I et IV
- Mesure du gradient de PCO2 entre plasma et urines après charge IV en bicarbonates. Normal (20 à 60 mmHg) dans les acidoses tubulaires de type II et IV, il est supprimé dans les acidoses tubulaires de type I.
- Mesure de l’excrétion urinaire de NH4+ rapportée au pH urinaire. Normale dans les acidoses de type I et II, elle est diminuée dans les formes de type IV.
- Échographie rénale: taille des reins, recherche de kystes, de lithiases
- Urographie intraveineuse: morphologie des reins, recherche de lithiase, de néphrocalcinose
- Radiographies osseuses: recherche d’ostéomalacie, de signes d’hyperparathyroïdie
Traitement :
- Acidose tubulaire de type I – Bicarbonate de sodium: 1 à 4 mEq/kg/j en 2 à 3 prises par jour pour débuter, la posologie étant secondairement adaptée aux besoins – Bicarbonate de potassium en cas d’hypokaliémie associée
- Acidose tubulaire de type II: bicarbonate de sodium, 20 à 60 mEq/kg/j en 4 à 6 prises, adapté aux besoins , Hydrochlorothiazide après recharge en bicarbonates
- Acidose tubulaire de type IV
- Bicarbonate de sodium: 1 à 4 mEq/kg/j en 2 à 3 prises, adapté aux besoins
- Furosémide: pour abaisser la kaliémie Le furosémide est contre-indiqué dans les acidoses de type IV avec perte de sel.
- Kayexalate per os ou en lavement dans les acidoses avec hyperkaliémie importante
- Fludrocortisone: 0,1 à 0,3 mg/j en cas de déficit en minéralocorticoïdes ou dans certaines formes de résistance à l’aldostérone
- Régime restriction sodée
- Citrate, métabolisé en bicarbonates par le foie, évitant les troubles digestifs avec distension abdominale induits par les bicarbonates
- Traitement de la maladie de fond dans les formes secondaires: corticothérapie, chimiothérapie, éviction des toxiques…
Surveillance :
- Surveillance du bilan hydro-électrolytique, du pH sanguin et urinaire, des fonctions tubulaires rénales, de l’ECBU, de l’urée et de la créatinine sanguines
- Éviction des toxiques
- Surveillance rapprochée en cas de pathologie pulmonaire associée avec risque d’apparition d’une acidose mixte décompensée pouvant mettre en jeu le pronostic vital
- Limiter l’hypercalciurie
Complications:
- Néphrocalcinose
- Infections urinaires basses ou hautes dans les acidoses tubulaires de type I
Évolution : maladie chronique, de bon pronostic en l’absence de lésion irréversible du parenchyme avec altération du débit de filtration glomérulaire , en règle, le pronostic est celui de la maladie causale.
Na: natrémie, K: kaliémie, Cl: chlorémie, PCO2: pression partielle en CO2.